Comme on peut, de NRBC

 

Mo’Sky : Il faut des mots pour faire le tri et pour les mots faut des oreilles / y’a des silences de plomb comme des balles dans le thorax / il faut du temps pour digérer pour penser à faire de beaux rêves / y’a des moments éviscérés qui font des trous sous l’anorak / y’a des virgules au bord du gouffre / des plongeoirs au bout des nerfs / une corde enroulée dans le coffre / des rêves parqués dans le container / y’a des hauts y’a des bas : un être humain c’est fragile / « docteur », c’est comme flic ou bidasse ça a le droit d’être violent / une boîte crânienne c’est un monde et parfois ce monde-là nous dépasse / y’a la prison et l’hosto, l’état s’accorde les violons / si tu gênes trop il t’efface / derrière chaque chute y’a la machine, ses experts et ses p’tites mains / Et y’ a ces vies qui me traversent / y’a ces gueules / leurs histoires c’est la mienne, elles font partie de moi.

REFRAIN
Avec nos failles nos lacunes nos carences
Avec nos fights nos rancunes nos caresses
Avec nos manques nos courages nos paresses
On s’tient entre caboches cabossées
Entre esquintés de la carlingue
Comme on peut on s’épaule
Comme on peut on s’parle
Comme on peut on s’équipe
Comme on peut

W : Un diagnostic collé sur la tempe / jugement dernier, Tercian, Diazepine, / a en perdre la rythmique d’une vie cadrée sur ordonnance / Une cage en scène, un cas en berne, / une cale sous la chaise pour ne pas vriller de l’autre coté de la planche / plage de néoprène qui colle aux chairs et enivre / comme un semblant d’impression d’être des vôtres / Le scanographe du grand complot n’aura pas eu raison de moi / la caméra pointée sur nos tronches / les pompes qui traînent à coté de votre marche à suivre / et le prompteur qui freine le délire, une stratégie pour en sortir / à coup de masse avec élan et non sans trace / on a brisé ma fiction en me braillant pragmatisme / et pour que se tasse mes ambitions / On m’a jugé cloué au parquet pour éviter de nuire.

REFRAIN

Mo’Sky : Moi c’monde il m’met à l’envers / quand la fatigue prend le dessus dans ma tête, pour le cafard c’est open-bar / et c’bâtard sait détourner la colère au bout de quelques verres / jette la raison à l’amer /
je m’raconte pas que je suis à l’abri, je crois qu’on peut tous se crasher / wesh les potos merci d’être là, vlà la force que vous me filez sur le trajet / dehors c’est police partout partout l’HP / ils ont même plus besoin des murs pour nous enfermer / les diagnostics contaminent le vocabulaire, paraît qu’on dit plus bizarre on dit bipolaire / l’épidémie psychiatrique bat son plein / le pharmacien fait son blé, le policier va pas s’en plaindre /
en vrai j’suis démuni devant un pote que son délire emmène trop loin / face à matraque et Tranxen, je veux bien apprendre à prendre soin.

w : Ici c’est panique à bord quand y’a ta vrille qui remet le couvert / j’ai trop souvent baissé les stores de peur de vivre avec ta dérive / cette barre au bide quand faut te parler à cœur ouvert / t’as vu ? sous le soleil y’a rien qui brille / je voudrais fonceder ce mur qui nous sépare à tort / te brandir mes entrailles rencontrer tes failles / t’emmener faire un tour sur mon dancefloor / mais y’a cette peur au ventre qui me cristallise / Ils ont sanglé les déviances et les ont marquées au fer rouge / alors ce qui nous reste c’est que la rage / les divisions de l’armée blanche veulent shooter tout ce qui bouge / faudra pas s’étonner si ça dérape / puis y’a ces tronches qui m’sortent du noir / avant que le courage n’expire que le cœur ne claque la porte / on a les coudes qui se resserrent et c’est de la force qu’on transpire.

NRBC

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Villejuif, de Serge Reggiani

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Comme dans tous ses numéros précédents, Sans Remède vous propose une chanson. Cette fois-ci nous avons jugé bon d’expliquer notre choix. En effet, « Villejuif » de Serge Reggiani nous a semblée intéressante à plusieurs titres, et d’abord parce que le sujet qui chante est enfermé dans un hôpital psychiatrique, ce qui n’est pas une thématique si courante de la chanson française. Ensuite parce qu’il décrit l’enfermement dans des termes qui nous ont parlé : « on me cache dans un coin », « fourrière des humains ». Mais aussi parce que nous avons été obligés d’en retranscrire un couplet, souvent omis quand on cherche les paroles. Ce couplet est entre parenthèses dans le texte et marque le caractère éminemment politique de la chanson. En effet, on y lit bien que le narrateur est enfermé à l’hôpital psychiatrique de Villejuif par mesure répressive, car il s’est battu pour un idéal, « contre quelle vie me suis-je battu pour qu’on me cueille un matin ? » et qu’il a été interné sur dénonciation, « des gens ont dit… ».

Par ailleurs, certaines retranscriptions transforment Grèce en Brest. Nous n’avons pu nous empêcher de penser aux différentes versions du « Déserteur » de Boris Vian, chanson dont la censure a imposé une modification du dernier couplet, sans pour autant trouver aucune information précise de cet ordre pour « Villejuif ». Mais il reste que pour nous, cette chanson écrite en 73 nous paraît faire très clairement mention de l’écrasement du printemps de Prague en 1968 et de l’invasion de la ville un an plus tard par les chars russes, de la dictature des Généraux en Grèce (de 1967 à 1974) et de la dictature de Franco en Espagne (1939-1975)… Et met en rapport direct les systèmes répressifs en vogue à l’étranger avec la section Colin de l’hôpital de Villejuif. Pour mémoire, le docteur Henri Colin, qui s’est spécialisé dans l’étude de la question des « aliénés criminels et vicieux », a été chargé d’organiser le quartier spécial des aliénés difficiles à l’asile de Villejuif. La section a été ainsi nommée en son honneur, c’est la première Unité pour malades difficiles (UMD) créée en France, accueillant des hommes dès 1910 puis s’ouvrant aux femmes à partir de 1933.

REFRAIN

Je n’vous écris pas de Grèce
Ni de Prague ni de Madrid
Moi, je vous écris de France
De l’hôpital de Villejuif

Ça va bientôt faire dix années
Qu’on me cache dans un coin
Qu’on vient me jeter la pâtée
Dans ma chambre chaque matin
Je ne sais pas ce que j’ai bien pu faire
Pour être mis à la fourrière
A la fourrière des humains
Qu’est-ce que je fais en pyjama
A tourner entre ces murs blancs
Appeler qui, implorer quoi ?
D’où je suis personne ne m’entend
Toutes mes peines sont peines perdues
Je vis, mais ça ne compte plus
Puisqu’ils m’ont rayé des vivants

REFRAIN

Ils peuvent me piquer la peau
Et me sangler à mon lit
J’entends toujours mille marteaux
Résonner dans mes insomnies
Je vois toujours des foules déferler
Des mains et des portes fermées
Je ne trouve plus la sortie
(Contre quelle vie me suis-je battu
Pour qu’on me cueille un matin
Des gens ont dit qu’ils m’avaient vu
Avec une arme dans la main
Les rêves à l’air et la tête en morceau
Ils m’ont jetés dans ce ghetto
A Villejuif section Colin)

REFRAIN

J’ai pourtant dû être un enfant
Moi aussi j’ai dû courir
Après des chiens, des cerf-volant
Si je pouvais y revenir
Mais je ne sais plus où dans quelle banlieue
J’ai semé des cailloux qui me
Ramèneraient à ce jardin

REFRAIN

Sans remède, de Cerna

Un rien Capture d’écran 2014-05-28 à 03.58.15mal à la gueule qu’nos vies passionnent les sociologues.
Couru d’avance, nos cerveaux baignant dans l’formol
Posait problème à personne de foutre nos berceaux dans c’bordel
Ça oublie vite qu’on est mortels.
Tellement facile, virage raté on en parle plus
Incident voyageur, y’a pas d’médecine qui sauve.
Juste assez savonné c’foutu plancher pour qu’tout d’un coup
On envisage très sérieusement et la poutre et la poudre
C’monde nous voulait la corde au cou
Fil à la patte, pète un câble, lève l’ancre et coupe le fil.
La plupart s’contentent de récits,
Quand d’autres s’accrochent aux rares récifs.
On en peut plus de tuer le temps, voilà l’drame.
Regarde on s’tue à dire que nos vies sont en panne.
Si on sème la panique c’est que nos âmes sont en peine.
L’insurrection n’vient pas et nos armes sont en berne.
Elles se retournent contre nous.
D’toutes façons, pour un rien, ils t’enferment ils s’en foutent.
100 ans fermes. En faire une cavale ou une peine.
Vous êtes sur terre c’est sans remède.

On partira pas seuls, de Singe des rues

paranoPARANOS / des parasites sur les portables / y’a nos portraits chez les RG n’importe quel dékis’ a le port d’arme

SKIZOS / on se déguise pour des euros / désirs en berne pendant des heures traine en zombie parmi les ombres

CLAUSTROS / tes rêves dans quatre murs encastrés / on parle que d’évasion parce qu’on est partout à l’étroit

Angoissés dépressifs et suicidaires en sursis / ON PARTIRA PAS SEUL

MYTHOS / on se méfie de tout et surtout de toi / comme tout est faux on se permet tout la vérité c’est dans la tête

AUTISTES / la haine de soi comme une tumeur / on tourne en rond à peine on se touche alors on s’isole et on se tait

INSOMNIAQUES / des yeux rougis de cauchemars / des nuits blanches qui durent des jours les lueurs bleues des gyrophares

Angoissés dépressifs et suicidaires en sursis / ON PARTIRA PAS SEULS
ALORS PSY GARDE TES DISTANCES…

S. D. R