Pour tirer le fil

Ce dossier emprise médicale consacré au traitement médical du corps d’êtres désignés comme féminins, est né de nos expériences, de bien des discussions, mais aussi de lectures diverses et de films.
Voici donc une bibliographie et une filmographie succinctes. Pour celles et ceux qui voudraient comprendre de quoi nous nous sommes, nourries, qui voudraient approfondir cette vaste problématique.
Nous espérons que vous y trouverez autant de matière à penser que nous…
Et peut-être y rencontrerez-vous, comme nous, la certitude que chacune de nos expériences compte, que nous ne sommes pas folles, et nous l’espérons, l’envie, l’urgence d’écrire vous aussi…

Bibliographie

Notre corps, nous-mêmes, collectif de Boston pour la Santé des Femmes, Albin Michel, 1977.
Un collectif de femmes américaines, partant du constat que face aux médecins elles subissaient une double domination, du fait d’être « traitées », « soignées » par des hommes, principalement, autant que par l’ignorance dans laquelle elles étaient maintenues de leurs anatomies, physiologies… a décidé de contribuer à ce que le fonctionnement d’un corps féminin soit accessible à chacune, dans un souci d’autodétermination, de libre choix de sexualité, de contraception, de maternité… Elles ont écrit entre femmes tous les articles. Ont fait des recherches exigeantes en termes de compréhension du fonctionnement de nos corps. Elles l’ont écrit avec leurs mots. Pour chacune.
Quelques françaises en goguette au milieu de l’ébullition incroyable qu’étaient les milieux féministes américains des années 70, sont tombées sur le livre, et ont jugé important de se constituer elles-mêmes en un collectif non-mixte de traductrices, adaptatrices pour les francophones.
40 ans après, on ne peut que les remercier d’avoir cru en elles, toutes.

Réflexions autour d’un tabou, l’infanticide, ouvrage collectif, 2009.
Voilà un collectif de femmes qui a fait une urgence de réfléchir, au tabou, à la dure, à l’épineuse question de l’infanticide.
Elles savent s’attaquer à la problématique de la seule manière sensible et intelligente qui soit. Elles se demandent, non ce qui les sépare, ce qui nous sépare des femmes infanticides, mais au contraire ce qui nous en rapproche. Elles postulent les femmes, toutes les porteuses d’utérus féconds, en une communauté de sort. Et ainsi peuvent examiner les conditions par lesquelles, toutes, nous pourrions tomber, pour mille hasard de la vie fondés, non sur nos seuls désirs de nous reproduire ou pas, mais par les aliénations et dominations sociales, économiques, affectives, médicales que nous subissons, dans l’éventualité de faire passer nos vies, nos existences avant le produit d’un rapport sexuel fécondant.
Et l’on se sent moins seule avec ses terreurs.
Et on s’étonne de ce qu’elles ont su rendre dicible, nous rendre, en mots.
Et si certaines de leurs pages permettent à la pensée de se détacher vers des lieux encore non explorés, surtout,
certaines, émeuvent aux larmes.
Il faut trouver cette brochure ici ou la demander à vos ami.es qui ont de chouettes bibliothèques féministes… dans tous les cas, il ne faut pas hésiter.

Sorcières, sages-femmes et infirmières, Barbara Ehrenreich & Deirdre English, Remue-ménage, 1976.
Voilà un ouvrage qui a été conçu comme un appel, à toutes les femmes, traitées par la médecine ou la pratiquant en tant que professionnelles, à se questionner sur les rôles genrés que le pouvoir médical perpétue, suppose ou impose à celles qui y sont confrontées.
Elles relisent l’histoire populaire des guérisseuses ou sorcières face à la montée en puissance jusqu’au monopole d’une science médicale, unifiée, masculine aux Etats-Unis.
Elles sont les premières à avoir posé très clairement la question de la médecine comme devant être considéré comme un outil de gestion de population, donc politique.
Leur ouvrage est aujourd’hui un peu daté peut-être, un peu loin pour tou.tes celles et ceux qui ne sont pas très au fait de l’histoire de la médecine américaine et de ses grandes figures.
Mais leur ambition était vaste. Leur livre est fort court. Et mérite encore le détour.
Et toutes les questions qu’elles ont ouvertes restent urgentes, aujourd’hui encore.
Et on a envie de leur être fidèles en poursuivant, un peu, le chemin qu’elles ont dessiné.

Une conquête inachevée : le droit des femmes à disposer de leurs corps, interventions dans le cadre d’un colloque de la Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception (CADAC) sous la coordination de Valerie Haudiquet, Maya Surduts, Nora Tenenbaum, Syllepse, 2007
Voilà une forme de constat, d’état des lieux, par différentes associations officielles ou chercheur-ses. L’angle d’attaque de toutes les interventions constituant un bout de réponse quant au droit des femmes à disposer de leurs corps, dans le cadre précis de la prise en charge médicale, en France.
La seconde partie restant la plus intéressante qui s’intitule, transfert de pouvoir et permanence de la domination.
Et puis, comme d’habitude, les chiffres, officiels, même si on ne sait jamais trop qu’en faire, sont hyper flippants, et un peu parlants.

– Le point G et l’éjaculation féminine, Deborah Sundahl, Tabou, 2011
Voilà un livre très difficile à recommander. L’édition est immonde, les illustrations hyper sexistes, l’ambition, toute de développement personnel, un peu répugnante.
Et pourtant, c’est dans ce livre que l’on trouve le chapitre sur la physiologie de l’orgasme féminin le plus complet lu depuis bien longtemps.
Où l’on apprend qu’il n’existe pas de femmes fontaines, mais que toutes les femmes, physiologiquement sont en mesure d’éjaculer. A nous de spéculer sur les raisons du pourquoi nous nous ignorons cette capacité, toute masculine parait-il…
Et puis, on trouve un schéma détaillé d’un clitoris, au repos et en érection, et c’est drôlement drôlement joli.
Alors si vous voulez passer outre tout le reste, vous glanerez ici où là, peut-être, quelques informations intéressantes.

Discours médical et construction des catégories homme/femme, masculin/ féminin,
Nicole Edelman, Revue Sens public, lisible ici.
Nicole Edelman est historienne. Elle se propose d’étudier, dans cet article, les rôles et fonctions de la médecine au travers différents moments historiques, dans la constitution scientifiquement étayée de deux sexes distincts, masculins et féminins. Elle revient sur les moyens que la science médicale, par toutes les époques, s’est échinée à inventer pour construire comme une vérité indiscutable qu’il existe deux entités naturellement, essentiellement distinctes, d’hommes et de femmes. Et elle raconte, comment pour se faire, la science médicale et ses praticiens ont mobilisé des bien vaseux concepts, en s’interrogeant, sur les buts, les nécessités, les idéologies sous-tendant un tel acharnement… Avec le succès que l’on sait.

On pourra relire ici l’article de K. dans le numéro 4 de sans Remède pour continuer de comprendre l’impact indéniable de la Révolution Française dans la nécessaire constitution politique, ferme et définitive d’identités gérables, celle de l’ »aliéné » autant que celle de « la femme » .

Filmographie

les documentaires

Regarde, elle a les yeux grands ouverts, Yann Le Masson, 1980, 90min, France
Des femmes du MLAC d’Aix en Provence face à la légalisation de l’IVG, aux procès, aux histoires d’avortements, aux naissances…

Le sexe de mon identité, Clara Vuillermoz, France 3, 2012, 102min, France
Ils et elles ont fait le choix de changer de sexe, médicalement. De transitionner. au CHU de Lyon. Ils et elles en parlent. Et aussi les praticiens.

Mes deux seins, histoire d’une guérison, Marie Mandy, France 2-RTBF, 2010, 92min, France
Quand elle a appris qu’elle avait le cancer, du sein, elle s’est dit, je n’y survivrai pas si je n’en fait pas quelque chose. C’est ce film.

Vade retro spermato, Philippe Lignière, Les films du Sud, 2011, 58min, France
Des hommes nous racontent, nous partagent leurs expérimentations de contraception masculine. Ils étaient peu, c’était il y longtemps… mais c’est un film qui fait parler, qui donne envie de parler.

Bambi, Sébastien Lifshitz, Epicentre film, 2013, 58min, France
Jean-Pierre a décidé, un jour, de vivre en femme. Parce que Jean-Pierre n’est pas elle. Parce qu’elle est une femme. Elle est devenue Bambi, figure mythique des cabarets parisiens. C’était dans les années 50, on dit d’elle qu’elle est l’une des premières transsexuelles françaises. Elle en rirait, de son incroyable rire.

Le clitoris ce cher inconnu, Michel Dominicci, Arte, 2003, 59min, France
Et bien parlons-en du clitoris. Le format télé rebute un peu, mais on y apprend bien des choses, à creuser ensuite.

Diagnostiquer la différence, Annalise Ophelian, 2010, 63min, USA
Ils savaient être des femmes. Elles savaient être des hommes. Ou n’avoir aucune raison de choisir l’une ou l’autre de ces catégories binaires. Le monde autour a surtout décidé qu’ils et elles étaient fous ou folles, atteint.es de pathologie mentale traitable, diagnosticable…

les fictions

XXY, Lucia Puenzo, 2007, 97min, Argentine
On pourrait croire qu’on est juste une adolescente, en vacances. Et un médecin arrive. Et il faudrait se conformer plutôt que de vivre, un peu, pour voir…

Une femme sous influence, John Cassavetes, 1974, 155min, USA
Et quand on n’est pas une femme comme il faudrait, le monde se charge de vous le rappeler, et de vous traiter, de vous enfermer, pour votre bien, celui de votre famille, de vos proches…

Respiro, Emanuele Crialese, 2002, 95min, Italie
A Lampedusa, à vivre sur une petite île, on ne peut pas se permettre impunément d’être une femme et d’aimer, à sa mesure, à ses manières… sauf à risquer sa mise à l’écart, sa mise en conformité, les injonctions, les injections. Sauf à endurer d’être traitée comme une folle, de le devenir…

Une affaire de femmes, Claude Chabrol, 1988, 110min, France
Une histoire de Marie-Louise Giroud, la dernière femme guillotinée en France. C’est vrai qu’on sortait juste de la seconde guerre mondiale, que tout le monde était mort, qu’il fallait redresser un pays exsangue, alors c’était un crime de lèse-patrie de soulager des femmes d’enfants inenvisageables.