Les fossiles

Remuer les fossiles du fond de la cave, bousculer les peurs, se poser des challenges pour que les rapports changent…Voilà tout ce qu’a provoqué chez moi ma rencontre avec tout d’abord ce journal sous forme de papier, puis avec les personnes qui sont derrière. De fil en aiguille, nous sommes devenus pour ainsi dire proches. Le fait de pouvoir échanger nos ressentis, nos idées au sujet de la psychiatrie, m’a franchement bousculée de l’intérieur pour qu’enfin je puisse agir et découdre fil par fil ce que la douleur avait su tisser méticuleusement, sournoisement.

Jusqu’ici, il n’y avait pas de place en moi pour une quelconque lutte ou une profonde réflexion. J’étais un peu comme une fantôme parmi les têtes pensantes. Les discussions politiques me saoulaient étant donné que je n’y comprenais que dalle. Sans doute par manque de culture mais avant tout par manque d’intérêt. Ouvrir un journal, c’était comme essayer de m’informer sur un monde qui n’était pas le mien, toutes ces informations incompréhensibles me ramenaient quelques années en arrière, le cul sur une chaise d’école et la tête en l’air. Mais pourquoi la tête en l’air ? Pour fuir le fait que l’on m’a bien fait comprendre que je n’étais pas à la hauteur des « autres », pour fuir l’autorité et leur obligation à faire bosser mon cerveau dans leur sens. Ils m’ont crue bête et incapable. Un cerveau vide, alors qu’en fait, ils ne savaient pas que ça grouillait d’infos là-haut et que, de ce fait, il n’y avait pas de place pour le reste. J’étais envahie par mes problèmes personnels, alors essayer de me bourriner le crâne avec des dates insignifiantes ou me faire appliquer le théorème de Pythagore sans même me faire comprendre pourquoi, c’était vraiment mal me connaître.
Je suis de celles et ceux qui, pendant toutes ces années, ont réalisé de très belles illustrations dans les marges de leurs cahiers. La marge, là où on se sentait le mieux : vous êtes tous des cons, enfin surtout là où l’on nous a mis.es : t’es trop nul, tu ne serviras à rien dans ce monde. Alors à force que l’éducation nationale t’humilie en public avec tes copies rendues en dernier, ta sous-note entourée nerveusement de rouge, et les autres abruti.es qui pouffent de rire en cœur, tu finis vraiment par y croire, que t’es une sous-merde.

masqueÀ vous qui jouissez du spectacle d’une personne humiliée alors qu’elle bouffe la terre,
À vous qui vous servez de votre grande capacité à apprendre, à comprendre, pour exercer un rapport de force,
À toutes celles et ceux qui se servent d’autrui comme d’un marchepied vers le podium,
À vous qui usez de votre science pour exister et qui exercez, consciemment ou pas, ce que l’on nomme la domination,
À toutes celles et ceux qui se sont tus par crainte que l’on découvre leur ignorance, leur faiblesse,
À vous-mêmes qui avez profité du fait que j’ai osé poser les questions auxquelles vous n’aviez pas de réponse, en faisant mine d’être de ceux qui comprennent, d’être dans le rang de l’élite,
Méfiez-vous de la bête blessée.
Vous pensez que j’incarne la loose et que je vaux moins que vous. Mais j’ai un tas de choses dont vous n’imaginez même pas le goût et je vous maudis.

Quand j’ouvre un journal, il y a un tas de sales choses qui me remontent à la gueule. Cette petite voix qui est la mienne me répète en boucle des trucs très sympathiques du style : je ne comprends pas et de toute façon, je n’ai jamais rien compris, j’ai tellement de retard en terme de culture qu’il faudrait que je reprenne tout à zéro. Il y a quelques années, j’ai compris que si je n’arrivais pas à m’intéresser à la politique, c’était à cause de tout ce qui me bouffait le crâne : mes problèmes personnels et mes angoisses ne laissaient de place à rien d’autre. En conséquence, atteindre un niveau de concentration minimum me demandait et me demande encore un effort considérable. Faire du forcing me rappelait trop les coups de règle en métal sur les doigts. À partir de là, j’ai commencé à arrêter de m’en vouloir, une petite paix s’installa en moi.
Mais cela ne réglait pas le problème, il y avait toujours cette flamme éteinte au milieu de ma gamberge, je voulais m’informer, m’intéresser mais rien, pas même une allumette au fond de la poche… Un jour, dans un moment de bad, un ami me donna le n°3 de Sans Remède… étincelle.
Avant tout, j’eu un sentiment de soulagement. Je n’étais donc pas la seule proche de psychiatrisé.e au monde (hors cercle familial). Des personnes mettaient leurs vécus, leur rage contre la psychiatrie et les institutions sur papier. J’avais un livre de chevet, mais les articles théoriques ne me touchaient alors pas encore.
Quand j’ai participé à la création du numéro 4, ce fut en premier temps pour verbaliser ce que j’avais dans les tripes. Le témoignage que j’ai écrit, c’était un grand nettoyage intérieur. Puis il y a eu ces discussions, ces analyses, ces références qui m’embrouillaient encore beaucoup et sur ces quinze jours passés ensemble, nombreux sont les moments où j’ai décroché. Rome ne s’est pas faite en un jour comme dirait l’autre.

Depuis, il y a eu ma première émission de radio, des discussions dans tous les sens, des rencontres non-mixtes, un premier pas vers le féminisme. Puis, il y a eu la musique, transformant deux amitiés en un truc indéfinissable… À niquer des cahiers entiers posés sur un burlingue pendant des heures, volets fermés. À retourner les mots comme une peau de lapin et enfin tout dégobiller généreusement sur une scène en palettes.
Toutes ces choses énormes accompagnées du temps, aussi court soit il, font qu’une porte s’est ouverte, tranquille, centimètres par centimètres et que petit à petit je regarde ce qui se passe de l’autre côté, j’observe et ça m’intéresse. Alors j’y vais à tâtons, je lis un peu plus, j’essaye d’analyser, de penser par mes propres moyens en m’aidant des autres, je me forge une opinion. Maintenant que j’ai commencé à dompter mes angoisses et à ne plus les autoriser à me bouffer, j’ai de la place pour le reste. J’ai surtout compris que je pouvais faire de mes douleurs un cheval de bataille et non plus un faire-valoir. J’ai compris que la rage que j’avais ne pouvait plus indéfiniment se retourner contre moi, qu’il fallait que j’ouvre les yeux sur ce monde qui l’avait fabriquée, qu’il était l’heure pour lui de récolter la colère semée. J’ai compris que mon carburant alimentait un moteur tout pérave, celui qui tourne à l’envers et qu’en conclusion, il allait falloir le benner à la casse pour m’en fabriquer un neuf, même si cela devait prendre des années. J’ai compris.

Quand t’écris un témoignage, il y a toujours un manque de pudeur. Il est mêlé au plaisir de sortir de sa carcasse tout ce qui ne ressemble pas à des mots, mais plutôt du vécu, des émotions, du ressenti. Alors tout ce mélange de choses impalpables est parfois difficile à analyser tant que tu ne l’auras pas écrit noir sur blanc. Au moment où j’écris, j’hésite encore à ce que des personnes me lisent, il me vient fréquemment à l’idée que je devrais peut-être garder tout cela pour ma tronche. Ce qui me fait tenir, c’est que je me souviens de l’impact que certains témoignages ont eu sur moi. La verbalisation d’états tels que l’euphorie extrême m’a permis de mieux comprendre certains fonctionnements, j’ai été soulagée de me reconnaître ici et là, de voir comment certaines personnes réagissent ou pas… Tout cela me fait dire que ce que j’écris ici, ce n’est pas du divertissement, et que si ça peut provoquer des choses chez les gens, et bien, c’est déjà ça.

S.W.

La charte des internés

Diffusée fin 1975, la Charte des internés est un texte collectif qui porte la signature de cinq groupes aux horizons politiques assez divers : Marge (voir ici), l’AERLIP (association pour l’étude et la rédaction du livre des institutions psychiatriques), formée massivement d’infirmiers et fondée pour dénoncer un certain nombre de mauvais traitements dans l’HP, le GIA (groupe informations asiles), premier mouvement de psychiatrisés en France dans la lignée du GIP (groupe informations prisons), le comité de lutte des handicapés, dont le préambule précise bien qu’ils considèrent leur combat comme partie intégrante de la lutte des classes et non pas comme une lutte sectorielle, et la revue Garde-fous. Il est aussi question dans le texte d’apports des mouvements allemand SPK (voir ici) et anglais MPU (Union de malades mentaux).

Ce qui nous touche le plus dans cet appel, c’est qu’il porte de l’intérieur de l’hôpital des exigences sans conditions, formulées avec détermination. La Charte des internés nous rappelle que, même entre les murs, des luttes collectives restent possibles. Même si, 40 ans plus tard, la plupart de ces revendications seraient toujours d’actualité, ce texte porte la marque de son époque: une période d’effervescence politique où l’horizon révolutionnaire faisait se nouer des alliances qui seraient difficilement concevables de nos jours. Cette Charte est aussi le reflet d’une séquence historique assez particulière pour l’hôpital psychiatrique lui-même, en plein aggiornamento (mise à jour, ravalement de façade) mais dont le caractère asilaire saute toujours aux yeux. C’est dans ce contexte général qu’il faut resituer la place accordée dans ce texte à l’identité de travailleur, revendiquée pour l’interné qui, selon les auteurs, n’est jamais que « provisoirement dans l’incapacité de travailler » : l’infirmier psy et « l’interné » partageraient fondamentalement cette condition de travailleur, ce qui leur permettrait d’envisager de lutter ensemble, au delà des antagonismes qui traversent l’hôpital. Une position que Sans remède ne partage pas, nous l’avons suffisamment répété dans nos pages.

Cette charte ne vise pas à l’amélioration de la psychiatrie, mais vise la destruction complète de l’appareil médico-policier.
Cette charte s’inscrit dans le combat pour conquérir, dans un premier temps, les droits démocratiques les plus élémentaires qui sont enlevés aux travailleurs que la psychiatrie parvient à isoler. Ceci n’est possible qu’en brisant l’isolement des internés :
1. En détruisant l’institution carcérale par des luttes contre les modalités actuelles d’entrée et de sortie de l’hôpital (placement d’office et placement volontaire), ainsi que contre les restrictions de la libre circulation à l’intérieur des établissements psychiatriques.
2. En brisant l’isolement de l’interné dans son statut d’assisté, d’irresponsable et de fou. Il s’agit d’obtenir celui de travailleur en lutte avec tous les acquis s’y rattachant, même si certains d’entre nous se trouvent provisoirement dans l’incapacité de travailler. Ce combat, comme ceux des autres couches opprimées, rejoint en ce sens la lutte de la classe ouvrière pour la destruction de l’ordre capitaliste.
3. En brisant l’isolement dû au silence entourant la prescription médicale et obtenir ainsi le contrôle du traitement.
Cette charte est le produit des revendications exigées par des camarades internés tant en France que dans d’autres pays comme l’Angleterre par le MPU (Union de Malades Mentaux) et en Allemagne par le SPK (Collectif Socialiste de Patients).
Elle vise au développement de luttes permises par le regroupement de psychiatrisés et de travailleurs (soignants ou non) telles celles parmi les plus récentes : des « malades » de Maison-Blanche en novembre 1974 et la campagne contre les internements et la loi de 1838 menée par le GIA (groupe d’information sur les asiles).
Elle vise à déclencher d’autres luttes de travailleurs (psychiatrisés ou non) contre la psychiatrie, afin de déterminer les organisations politiques et syndicales à prendre une position claire dans ce combat.
Pour aboutir, cette charte doit être reprise massivement par l’ensemble des camarades internés et des travailleurs (soignants ou non) qui les soutiennent.
En ce sens elle peut être le point de départ à la création de groupes, comités, commissions, etc, visant à organiser la lutte dans le plus grand nombre d’établissements psychiatriques, ainsi qu’à l’extérieur de l’institution où le problème de la psychiatrisation des conflits est de plus en plus à l’ordre du jour. Elle doit donc également susciter un travail similaire en ce qui concerne la psychiatrie hors des murs en se plaçant sur un terrain de solidarité de travailleur à travailleur.
C’est ainsi que cette charte issue d’un projet élaboré au cours des luttes menées plus particulièrement par les militants du GIA a permis, lors de son élaboration finale, le rassemblement de divers groupes militant contre l’organisation capitaliste de la production et de la santé.

NOUS EXIGEONS L’APPLICATION DE LA PRÉSENTE CHARTE :
AUX MINEURS COMME à TOUTE PERSONNE INTERNÉE

1. NOUS EXIGEONS L’ABOLITION DE LA LOI DE 1838 :
C’est-à-dire, la suppression du placement d’office et du placement volontaire, ainsi que la suppression de l’Infirmerie spéciale de la Préfecture de Police (rue Cabanis, à Paris-4ème) qui matérialise la relation existant entre la pseudo-science psychiatrique et l’instrument répressif qu’est la police.

NOUS EXIGEONS :
2. L’abrogation de la loi de 1954 sur les ALCOOLIQUES et celle de 1970 sur la TOXICOMANIE ; lois répressives qui, loin de résoudre les problèmes posés par l’alcoolisme et la toxicomanie ne visent qu’à orienter et contrôler dans le sens des intérêts de la classe dominante,
3. L’abrogation de la loi sur le vagabondage, l’arrêt des expulsions des travailleurs immigrés sous couvert de rapatriement sanitaire,
La suppression des hôpitaux et services de force (Henri Colin, Sarreguemines, Cadillac, Montfavet).

CONCERNANT NOTRE SÉJOUR à L’HÔPITAL, NOUS EXIGEONS :
4. L’abolition de l’envoi de renseignements aux préfectures qui les retransmettent aux commissariats, ainsi que la destruction du fichier de polices des aliénés dits « dangereux ».
5. L’affichage dans chaque chambre des règlements intérieurs et des droits des internés,
6. Le droit pour tout interné de consulter à tout moment son dossier comme de le sortir, lui permettant entre autres choses d’appeler en justice,
7. Que soit appliquée la circulaire ministérielle n° 1796 de Jacques Baudouin du 20 avril 1973 dans laquelle il est dit que : « …le secret n’est pas opposable au malade dans l’intérêt duquel il est institué ; ce dernier peut donc soit se faire remettre tout ou partie de son dossier médical ou le communiquer directement au médecin de son choix ainsi qu’à des tiers ; il peut notamment décider de produire ce dossier en justice s’il le désire. La jurisprudence de la Cour de Cassation et du Conseil d’état concourent sur ce point »,
8. Le droit de refus de la désignation administrative du lieu d’hospitalisation et du médecin traitant.

CONCERNANT LES TRAITEMENTS, NOUS EXIGEONS :
9. L’abolition des traitements irréversibles (électrochocs, psychochirurgie…),
10. La connaissance du traitement appliqué  et ses effets secondaires éventuels, et ceci avant la prescription,
11. Le droit de refus d’un traitement ou d’un médicament, c’est-à-dire un droit effectif de contrôle sur les traitements,
12. D’être informés lorsqu’un médicament en est son stade expérimental,
13. D’être en possession d’une ordonnance claire, en écriture non chiffrée, nous permettant de contrôler ce qu’on reçoit des infirmiers, qui l’exécuteront sous nos yeux et non à l’avance, afin d’éviter les traitements parallèles, comportant entre autres le surdosage.

CONCERNANT LA SORTIE, NOUS EXIGEONS :
14. Qu’un logement soit assuré après la sortie,
15. Que l’absence d’un emploi à la sortie ne soit pas un obstacle à celle-ci,
16. Qu’un emploi dans le métier de son choix puisse être assuré à la sortie par l’intermédiaire de l’Agence Nationale pour l’Emploi, sans discrimination et avec formation professionnelle si nécessaire,
17. La suppression des restrictions à l’embauche telles que l’inaptitude pour raisons psycho-pathologiques,
18. Qu’une indemnité de chômage, au moins égale au SMIC soit allouée à ceux ne trouvant pas de travail.

CONCERNANT LA VIE à L’INTÉRIEUR DE L’HôPITAL, NOUS EXIGEONS :
19. Le droit de nous syndiquer dans les sections syndicales du lieu d’hospitalisation et de nous organiser de façon autonome pour la lutte dans les comités incluant le personnel soutenant notre combat,
20. L’abolition du travail FORCé sous prétexte d’ERGOTHéRAPIE (ménage, service de cantine ou travail à façon…),
21. Que tout travail d’un hospitalisé soit rémunéré au temps de travail, par un salaire au minimum égal au SMIC ; sans salaire au rendement ni cadence,
22. Le droit de pouvoir refuser un concessionnaire ou ses tarifs pratiqués,
23. Le droit d’accès et de contrôle des comptes en détail des comités gérant le travail et le salaire des hospitalisés,
24. L’organisation collective par les hospitalisés eux-mêmes de la vie à l’hôpital : horaires de lever, de coucher, des repas, etc…,
25. La suppression du droit des visites pour raisons médicales ou autres,
26. La suppression de toute censure tant du courrier que des communications téléphoniques,
27. La liberté de presse effective à l’intérieur de l’hôpital,
28. Le droit effectif d’affichage avec tableau sans aucune censure,
29. Une salle commune de réunion interservices, ouverte en permanence et à tout le monde, y compris à toute personne et à tous groupes extérieurs,
30. La suppression de la permission de parc : celui-ci est à tout le monde,
31. Le droit de conserver ses vêtements et affaires personnelles et de pouvoir les mettre en sécurité sans intervention du personnel,
32. La suppression des grands dortoirs,
33. L’extension de la mixité à tous les pavillons des hôpitaux psychiatriques et la possibilité de vie commune à l’intérieur des services afin que cette mixité ne soit pas un simple mot,
34. Le libre accès à la sexualité, à la contraception, à l’avortement, à la grossesse et à toutes les informations concernant ces quatre points,
35. Nous refusons les changements d’hôpital, de service ou de chambre sans l’accord de l’interné lui-même,
36. Nous exigeons d’être présents et assistés par la personne de notre choix pour tout entretien nous concernant entre les membres du corps médical ou administratif ainsi que de ce personnel avec des tiers.

MOUVEMENT MARGE
REVUE ET GROUPE GARDE-FOUS
L’AERLIP
COMITéS DE LUTTE DES HANDICAPéS
GROUPE INFORMATION ASILES

En allumant des feux

Ce texte est une traduction. Il a été écrit par des psychiatrisé.es en lutte de Madrid. Les membres de ce groupe d’auto-support – auto-ayud – se filent des plans en terme de médication, empêchent des internements, publient des textes et des affiches et bientôt un livre.… Qui a dit que le soutien mutuel entre psychiatrisé.es et une approche radicalement critique de la psychiatrie étaient incompatibles ?

cracheurdefeuCette société rend les gens fous, chaque jour de plus en plus. Ceci est notre point de départ. Il ne semble pas insensé d’affirmer que dans l’environnement dans lequel nous vivons, qui n’expérimente pas personnellement quelque problème en rapport avec la santé mentale (de différente nature, qui peuvent aller d’une dépression à une psychose, en passant par tous les types de pétages de plombs, comme on dit), connaîtra très probablement quelqu’un de proche en train de souffrir psychiquement. Le mal-être et les pathologies mentales augmentent de manière exponentielle. La consommation de psychotropes se généralise à tel point qu’on considère comme normal le fait que des enfants, adultes et personnes âgées ingèrent quotidiennement des substances chimiques pour s’adapter aux exigences et à l’urgence de ce monde. Nous survivons, certains sont plus chanceux que d’autres. Certains d’entre nous deviennent fous. L’existence de l’être humain a été réduite à une compétition adaptative, à une danse des images dans la quelle personne ne sait qui est qui. Cette société qui nous rend fou ne connaît qu’une logique et c’est la logique mercantile : nous produisons des marchandises et nous sommes produites par elles. Le besoin lucratif dégrade la vie, et finalement, la tue. En Espagne, les statistiques démontrent une moyenne de neuf suicides par jour. Si les libertés qui sont inhérentes à l’être humain ont été remplacées par le besoin d’accumuler des biens et de la reconnaissance une fois qu’on les a obtenus, si le bonheur se chiffre à la quantité de matière acquise et l’amour, l’affection, la créativité ou l’intelligence se réduisent à des images grotesques avec lesquelles la publicité nous frappe à chaque instant… est-il si difficile de comprendre que dans un contexte si hostile les têtes arrivent à se casser ? Pourtant, l’ordre social a su protéger ses arrières, en nous faisant vivre une guerre dans laquelle ceux qui commandent traitent comme de la merde ceux qui obéissent et ceux qui sont en bas se traitent comme de la merde entre eux, celui qui tombe est considéré comme coupable. De sa propre faiblesse et de sa propre nature. Cette opération de stigmatisation et de nettoyage est mise en place par la psychiatrie. Une discipline qui à ce moment de l’histoire ne veut rien savoir des différences sociales, des vécus personnels ou des rapports familiaux. Elle se limite à dicter des sentences et en appel à l’organisme de chaque individu pour innocenter la société de la douleur qu’elle provoque. Le plus curieux est que ses prétendues bases biologiques continuent à être aussi faibles que lors de ses premiers pas. Nous disons « dicte » précisément parce qu’elle est incapable d’émettre un diagnostic basé sur des preuves objectives, de laboratoire. Et si les psychiatres ne sont pas capables de dire précisément ce que sont nos maladies, leurs médicaments ne peuvent pas non plus nous soigner. C’est-à-dire qu’ils sont incapables de rétablir une santé qui, en effet, a été perdue. C’est la raison pour laquelle vous, chers lecteurs, ne connaissez personne qui ait été “soigné” par des drogues psychiatriques, et c’est aussi la raison pour la quelle ces drogues ont des effets secondaires si dévastateurs que nous qui les prenons les arrêtons souvent.

Nous en sommes là. Les psychiatres affirment catégoriquement que pour la plupart des pathologies mentales qu’ils nous assignent il n’y a pas de guérison possible et que la seule façon d’atteindre une certaine “qualité de vie’’ passe par la prise de médicaments. Et souvent nous n’avons pas le choix et nous le faisons, sachant que nous pourrons pallier quelque symptômes mais que la cause de la douleur nous devrons aller la chercher. Pour cela nous disons que nous sommes en lutte, parce que nous pensons que l’autonomie c’est la santé et que nous n’avons d’autre choix que de nous battre pour elle. Les sorties que nous offrent les agents de cette société sont murées et nous laisser traiter comme un problème d’ordre publique n’est pas autre chose qu’attenter contre ce que nous sommes, et surtout, contre ce que nous pouvons être. Dénoncer les injustices d’un système qui provoque la folie est évidemment une nécessité, mais plongés dans une situation où les conditions de vie se dégradent à un rythme vertigineux (et avec le contexte économique actuel, plus encore), nous pensons que la principale urgence doit être celle de construire des stratégies qui nous permettent non seulement de résister aux attaques de ce monde, mais aussi qui reflète ce à quoi nous aspirons. Personne ne va venir nous sauver, donc nous sommes en train d’apprendre à nous rencontrer au milieu de l’obscurité, nous allumons des feux et nous reconnaissons entre égaux à la chaleur des flammes. Ceux qui en savent le plus au sujet de la folie, du traitement ou du stigmate social sont ceux qui vivent avec. Nous parlons en assemblées horizontales, sans hiérarchie. Nous partageons des expériences, des peurs et des désirs. Nous nous formons et mettons en commun chaque savoir qui peut nous être utile. Nous essayons d’organiser et de socialiser tout ce que nous apprenons et vivons. Nous cherchons la liberté – dans la plus radicale de ses acceptions – parce que nous savons que c’est dans la pratique que coïncident le changement des situations que nous vivons et le changement dans nos têtes. Nous connaissons les risques et les conséquences de ce pari, et nous essayons que la peur ne nous paralyse pas ni ne nous fasse sentir coupables. C’est cela la véritable maladie qui traverse la société, celle qui maintient les hommes paralysés, ancrés à des simulacres et des certitudes qui en réalité leur sont étrangers, diminuant toute autonomie et empêchant n’importe quelle expérience personnelle, et partant de là, d’une santé réelle. Nous avons la volonté de vivre une vie dans laquelle personne ne commande et personne n’obéit, ce qui suppose de sortir de soi-même et de s’ouvrir aux autres, ce qui suppose en définitive une autre manière d’être dans le monde, mais avec l’intention précisément de le faire couler.

Psychiatrisés en Lutte / Groupe de Soutien Mutuel de Madrid

Les mécanismes de la fabrique du patient

Patient, ente : adjectif emprunté au latin patiens « endurant, qui supporte ». Patient, nom commun, désigne spécialement et couramment le malade par rapport au médecin à partir du XVe siècle. En langue classique, il se rapportait aussi à celui ou celle qui subissait un châtiment.
En philosophie son sens étymologique, c’est-à-dire « qui subit », s’oppose au terme d’ »agent ». (définition tirée du Dictionnaire historique de la langue française, ed. Le Robert)

fabriquedupatientSi je vous disais que demain, quand on vous dira « ouvrez la bouche », vous avalerez de petites pilules dont vous ne savez pas vraiment ce que c’est ; que quand vous aurez envie de fumer, il vous faudra demander la permission et qu’elle pourra vous être refusée ; qu’on décidera pour vous des gens dont vous pouvez recevoir la visite ou un coup de téléphone ; qu’on vous aura habillé-e d’un uniforme… Et si je vous disais que, si vous refusiez de coopérer, vous risqueriez d’être enfermé-e-s dans une chambre prévue à cet effet… Vous auriez du mal à le croire, que l’on puisse vous imposer tout cela sans que vous n’opposiez de résistance, sans coup férir de votre part…
Et pourtant, je suis passée par l’HP, j’ai accepté tout ces « traitements » et bien d’autres encore sans vraiment réagir. En ce qui me concerne je n’ai jamais été une psychiatrisée très véhémente, c’est a posteriori que je m’interroge. Aussi, car j’ai bien l’impression que j’étais loin d’être seule dans ce cas.
Alors, je me demande (1). Comment fabrique-t-on notre consentement à des traitements que tout un chacun trouverait dégradants si on les lui imposait de but en blanc ? Comment nous métamorphose-t-on en patient si simplement, si rapidement, presque par glissement…?

Si l’on échoue à l’HP, ce n’est pas un hasard, tout simplement, parce que nous vivons dans un monde quadrillé d’hôpitaux. Sur Terre, en 2012, tout le monde, loin s’en faut, ne vit pas dans une société aussi médicalisée que la nôtre. En France, nous sommes élevés dans l’assurance que les psychiatres, comme les médecins, ont pour unique fonction de réparer, de soigner, de faire le bien, de rendre la santé, et ce, au moyen de techniques apprises au cours d’un long cursus d’études, très complexe, très fourni, que nous n’avons pas besoin de comprendre, ou du moins que l’on nous a appris à laisser aux mains et au jugement de professionnels. Nous arrivons dans les rapports médicaux, prêts à entendre, désireux d’entendre, des spécialistes statuer sur notre cas et disposés à avoir confiance en leur science et en leurs techniques de soin (2). Nous arrivons d’ores et déjà accoutumés à endosser le rôle de patient par toutes nos confrontations au milieu médical. Cette notion de « pré- patience » mériterait à elle seule une étude et une ana- lyse mais ce n’est pas là l’objet de ce texte. Néanmoins en faire état éclaire pour une part que le consentement donné aux médecins s’inscrit dans notre vie de tous les jours et ne se pose pas uniquement quand une situation particulière l’impose. Mais il va de soi que le fait d’être préparé-e-s à devenir patient-e-s ne dit pas que nous en mesurions d’emblée toutes les conséquences. La partie se joue alors que l’un des joueurs a dans son jeu plus d’atouts et rayonne d’une aura de confiance. Ne nous gênons donc pas pour utiliser de gros mots, le médecin se trouve dans une position de pouvoir, dans un rapport de domination avec le consultant, qu’il devienne ou non patient. Notons aussi que cet exercice de pouvoir est d’autant plus efficace et performant qu’il est tu, occulté, nié voire rendu inaudible par l’ensemble d’une société.
Quand on échoue à l’hôpital psychiatrique, on y arrive aussi plein de nos histoires, vécus, enthousiasmes, terreurs, petits plaisirs… Tout ce qui nous a construits, tout ce qui est indicible, mais pour autant fait de nous qui nous sommes. Nous avons en général une place dans ce monde, agricultrice, banquière, père de famille, chômeur, nomade ou cadre à la Défense. Et, c’est souvent cette identité sociale que nous mettons en avant dans nos rapports avec les autres individu-e-s (3) que nous rencontrons. Mais nous avons aussi tout un tas de petites habitudes, de grands complexes qui vont de fumer à se ronger les ongles, de ne pas supporter de porter un pan- talon trop court, des chaussettes dépareillées, ou d’avoir l’étiquette qui dépasse du slip. Et cela nécessite tout un tas d’aménagements quotidiens, ridicules aux yeux des autres mais qui pour nous sont cruciaux. En ce qui me concerne si j’ai les cheveux sales par exemple, j’ai le sentiment d’être la personne la plus crétine qui soit. Alors, bien entendu, c’est complètement irrationnel, sans fondements, et mal pratique à bien des égards, mais cela conditionne beaucoup plus mes rapports avec les autres que le fait d’avoir interrompu mes études de philo ou d’être chômeuse par exemple. La rencontre avec l’institution psychiatrique va donc, doit donc, entraîner un certain nombre d’adaptations de l’individu que nous sommes, puisqu’un hôpital psychiatrique de secteur prend en charge ses administrés dans tous les moments de leur vie. En entrant à l’HP, nous sommes soumis à un traitement collectif uniforme car c’est l’institution qui prend en charge tous nos besoins élémentaires : elle nous loge, nous nourrit, nous impose un cadre de vie qui va des activités à l’hygiène. En cela elle se distingue de la CAF, de l’école, de la police qui encadrent des bouts de nos vies à l’exclusion des autres, mais est à rapprocher du fonctionnement d’un corps de l’armée, d’un couvent ou d’une maison de retraite par exemple. (4) Il va de soi que ces institutions organisent la vie des individus qu’elles enrôlent avec des objectifs propres à chacune. L’HP en l’occurrence, n’a pas pour fonction de nous former à défendre le territoire national, de nous entretenir dans la foi catholique, ni de décharger nos familles du soin qu’elles devraient prendre de nous parce que nous sommes trop vieux… L’HP, aujourd’hui comme hier (5), est l’institution qui se donne pour but de soustraire du champ social ceux qui dysfonctionnent dans la perspective de les réadapter. Les »déviants », les »fous », les »incapables » y sont parqués dans l’objectif de les reformater afin qu’ils retrouvent à leur sortie une place dans ce monde, une identité, voire une activité viable et fonctionnelle, et ce, quelle que soit la raison originelle de leur écart du droit chemin de la normalité.(6)

Lors d’une admission en psychiatrie, on est plus caractérisé par notre poids, notre taille, notre tension, notre sexe, notre date de naissance, nos antécédents médicaux, le fait que l’on possède ou non une carte vitale etc… que par notre folle passion pour les hommes de Neandertal, les acteurs hollywoodiens de plus de quatre-vingt ans et les crèmes brûlées au hasard. Cela permet aux personnels de l’institution – on dira « soignants » – de nous ranger aisément dans une série de cases préétablies. Bien loin d’un aperçu, même très restrictif, de la personne que nous avons le sentiment d’être. Une fois recensées toutes les données « objectives » nous concernant, efficacité, constitution d’un dossier, et informatisation oblige, nous sommes conduits dans ce nouveau milieu généralement particulièrement accueillant qu’est un service psychiatrique de secteur et qui va être le nôtre tout le temps du « soin ». Afin que nous nous pliions le plus rapidement et le plus efficacement possible aux traitements qui vont nous être appliqués, afin de nous rendre malléables, afin aussi d’évaluer notre résistance, nous sommes d’emblée soumis à ce que chacun-e jugerait intrusif, une fouille. De cette fouille découle bien entendu un tri, puisqu’au début, en général, on ne nous laisse le droit à rien. Exit le savon, les papiers d’identité, la thune, les vêtements, le téléphone, les clopes, le briquet, en gros tout ce qui est personnel et/ou potentiellement dangereux et/ou ce qui pour des motifs thérapeutiques peut nous être refusé.
Et grosso modo, tout ou quasi peut entrer dans l’une de ces catégories au bon vouloir arbitraire du personnel qui procède à la fouille, de son humeur, de la charge de son emploi du temps, de la sévérité du chef de service, de la situation de notre voisine de chambre… Cela va du parfum « à cause de la bouteille en verre, on ne sait jamais, vous savez, on est là pour vous protéger » aux photos du petit dernier « parce qu’on est là pour faire une coupure, prendre du temps pour penser à tout cela », sans omettre la tablette de chocolat « parce que vous n’êtes pas toute seule dans le service, il y a ici des personnes qui ont des problèmes, vous savez, enfin ce n’est pas autorisé »… Ça y est, on a commencé à accepter. On s’est laissé piller, on n’a rien vu venir, on n’a même pas pensé à se défendre ou à refuser que le processus de dépersonnalisation est engagé…
Bien entendu on ne se retrouve pas à poil dans un cube de verre, non, après le dépouillage l’institution nous « repouille » a minima. Nos vêtements civils sont remplacés par un uniforme bleu de taille approximative, on nous attribue une chambre standard, du savon standard, un lit standard avec des draps standards… Thérapeutiquement parlant, des motifs sont avancés : coupure d’avec un environnement pathogène, mise à distance des problèmes ou de ses causes, sécurité des patients, prise en acte matérielle d’une « maladie » en la rendant visible donc début d’un processus d’acceptation nécessaire à la guérison, démonstration de la mise sous contrôle d’une situation destinée au patient ou à ses proches… Autant de justifications protéiformes, qui peuvent s’appliquer à tous les cas, donc ne sont à la mesure d’aucun en propre. C’est entendu, il s’agit d’un traitement applicable à tous et nullement de nécessités inhérentes au traitement d’un individu particulier. Bref, ils suivent des directives, appliquent des protocoles, s’agitent et il en résulte opinément tout un tas de bénéfices « secondaires » pour l’institution et ceux qui l’incarnent : quand on n’a plus de vêtement civils, ni carte d’identité, ni thunes, prendre la poudre d’escampette sans avis médical devient ardu. Être vêtus de bleu quand les soignants sont vêtus de blanc assoit nettement les rapports de pouvoir en jeu dans les murs de l’hôpital. Et puis une grosse institution comme un hôpital psychiatrique de secteur a des impératifs de gestion qui « justifient » en partie ces pratiques : tous les draps sont de la même taille, tous les uniformes se lavent, se repassent et s’ignifugent dans les mêmes machines, et suivent le même processus d’hygiénisation… C’est vrai, faut les comprendre aussi, vous imaginez le plan retour de lessive, réunir tous les « soignés » dans un réfectoire et faire l’appel pour : « La chemise à carreaux verts et bleus en 42 elle est a qui ? On a retrouvé le pull tigrou bleu ! Mais non madame Michu, puisque je vous dis que ce pantalon n’est pas à vous… » ?
C’est un fait, pour commencer à pouvoir gérer des individus psychiquement et matériellement, à avoir une emprise sur eux, de préférence aisément, on n’a encore rien trouvé de mieux que la rationalisation, la standardisation et la normalisation, donc l’écrasement de toutes ces petites particularités qui caractérisent, rassurent, justifient chacun-e d’entre nous. Ce dépouillage, ce sabotage de nos atours, de notre altérité, ce début de négation de notre originalité, ces rites d’entrée en forme de nivellement mêlé de bizutage nous mettent en condition.

Priver quelqu’un de ses repères, le couper de son monde, lui imposer un cadre matériel n’est pour autant pas suffisant pour lui faire accepter la nécessité d’une refonte totale ou quasi de son identité. Pour imposer la nécessité de cette refonte, la rendre effective et l’enraciner, mine de rien, il est nécessaire de se doter d’un panel de recettes, de trucs, de méthodes, parce que oui, souvent, un individu est rétif à son annihilation.Imposer un cadre de vie total va permettre de renforcer ce processus au quotidien. On nous prescrit donc un nouveau mode de vie fait de règles, d’horaires, d’interdictions et de permissions, qui ont aussi pour but de faciliter à l’institution, donc à son personnel, la cohabitation forcée dans un espace clos et restreint de tout un tas de déviances particulières et souvent peu compatibles à l’œil nu: une PDG en « burnout », un vieux bonhomme sans plus trop de famille pour lui débrouiller une maison de retraite moins pire que l’HP, un tueur de chats en attente de passage en justice et un étudiant surmené qui jongle avec la fac, ses trois petits boulots et les voix de tous les prédécesseurs de son studio pourri qui depuis 1893 tiennent tous sans exception à ce qu’il héberge la totalité des pigeons du quartier dans la cage d’escalier… Afin que, aussi différents que nous soyons, si différentes que soient les raisons qui nous ont poussés à entrer à l’HP, nous acceptions de subir notre égalisation, notre réajustement, il faut nier à chaque instant de notre quotidien la possibilité que nous nous déterminions par rapport à nous-mêmes, il faut nous nier toute manifestation de liberté, de préférence, de dégoût, de refus…
Les repas par exemple ont lieu à heures fixes et les menus sont imposés, peu importe que l’on soit végétarien, musulman pratiquant, fructivore ou allergique aux œufs, c’est purée-tranche de jambon blanc, compote, œuf-mayo pour tout le monde. On aurait préféré manger dehors parce qu’il y a un petit rayon de soleil, les tables sont dressées sous néons, et ça ne se discute pas. Il eut été agréable de trainer un peu après le repas parce qu’une discussion s’est engagée entre voisins ? Débarrassez moi le plancher, le repas est terminé, tout le monde dehors…
Comme tout le monde ou presque est sous traitement, la prise des médicaments est d’ordinaire associée aux repas,on prend ses petites pilules et ses petites gouttes avant de pouvoir manger. Et, s’il est éminemment pratique d’un point de vue gestionnaire de droguer tous les patients à la fois au moment du remplissage biologiquement nécessaire par le biais d’aliments la plupart du temps sans intérêt ni gustatif ni nutritif, je crois pouvoir assurer que prendre des calmants trois fois par jour avant les repas ensuque gravement. Donc on somnole toute la journée, on écrase d’un œil, on ronfle et on bave en public dans la salle télé ou la salle fumeur, mais ça n’est pas tellement grave, tout le monde ou presque est dans un état similaire et, quoiqu’il en soit, il n’y a pas grand-chose d’autre à faire. Et comme dormir le jour fatigue peu, la nuit est faite de longues heures solitaires sans possibles, ni sortir de sa chambre, ni croiser un collègue, ni griller une clope… En revanche, le monde extérieur continue de vivre le jour et de dormir la nuit, lui. Ainsi nos visiteurs ne nous croisent qu’au plus fort des doses de médicaments journalières dont on nous gave.Si l’on a une réclamation quelconque à faire, une requête à formuler, une colère à vomir, nous sommes sous l’emprise de psychotropes alors que le médecin ou l’infirmier ou les visiteurs, eux, dorment la nuit dans leur lit, sont propres et frais, boivent du vrai café et ne bouffent pas du Loxapac ou du Tercian quatre fois par jour. Encore une fois, les motifs thérapeutiques croisent avec bonheur la volonté de nous gérer. La simple organisation de la prise des médicaments nous rend difficile de subvertir le cadre qui nous est imparti, si tant est que nous ayons l’énergie de le vouloir, et nous continuons de laisser se creuser le fossé entre notre vie d’avant l’hospitalisation et notre posture bancale du moment. Par ailleurs, il est difficile de nier que la prise de médicaments aux doses qui sont administrées à l’HP a des conséquences physiques absolument inédites et perturbantes. En moins de temps qu’il n’en faut pour s’en rendre compte, on devient étranger, méconnaissable à soi-même. Parce qu’avant, on ne bavait pas, on n’était pas aussi maladroit, engoncé, gêné, on ne se sentait pas aussi stupide ou à côté de ses pompes, on n’avait pas autant faim, ni surtout autant soif, notre sueur elle n’avait jamais eu cette odeur, on n’avait jamais mis autant de temps à se rouler une clope,
on n’avait jamais galéré autant à retrouver la machine à café qui est pourtant toujours au bout du couloir, et puis on n’avait jamais eu aussi peu de mots pour y penser ou en parler… Et personne pour nous expliquer tout cela autrement que par ce terme insupportable d’ »effets secondaires ». Mais cela n’a rien de secondaire de ne plus se reconnaitre, de ne plus se croire capable, cela n’a rien de secondaire de perdre tout ce qu’on ne croyait pas pouvoir perdre jusque-là, cette certitude que l’on est soi, et que cela vaut au moins bataille pour le défendre. C’est même un gros bout de ce qui nous amène à tolérer d’être modifié, à accepter la transformation de notre identité, à espérer follement même la mutation qu’on nous propose. Parce que je ne me souviens pas avoir senti aussi fort qu’à l’HP le désir d’être n’importe qui d’autre, n’importe où ailleurs, dans n’importe quel champ d’herbe du voisin plus verte ou pas…

Enfin, il est important de ne pas négliger le rôle bien établi, la fonction bien huilée, rodée qu’ont les blouses blanches dans ce processus de dépersonnalisation. Car je me refuse à croire que des soignants ne puissent, s’ils se regardaient un peu honnêtement, admettre leur participation active dans le fait de nous faire devenir patients. Au quotidien, dans les murs, il ne peut être nié que leur rôle est aussi de justifier des méthodes thérapeutiques disciplinaires et punitives et s’avèrerait presque aussi efficace. Le trop fameux « c’est pour votre bien », qu’il s’applique à « pourquoi on m’attache » ou à « pourquoi je suis obligée de prendre ce médoc qui me fait des confusions dans la tête», est insultant. « C’est pour votre bien » est la réponse à ceux qui ne méritent même plus une réponse. À une question vraie, urgente, on ne peut se permettre d’opposer un alibi ré- chauffé, identique pour tous sans faire le jeu du mépris, sans perpétuer la condescendance à notre égard, sans nous dégrader, nous diminuer, nous rendre moins égaux… Les soignants organisent au quotidien notre maintien dans l’ignorance et bien des questions sont réglées par un simple mais sans appel « vous n’avez pas besoin de le savoir ». Mais surtout, les soignants, que nous ne connaissons ni d’Eve ni d’Adam pourtant, prétendent savoir mieux que nous ce qui est bon pour nous « ça va vous faire un peu de bien d’être contenu », « vous allez dormir un petit peu, et tout ira mieux ». Et si on râle, si on ne veut pas se contenter de leur réponse à peine décongelée, à peine investie, les soignants se déchargeront tranquillement des décisions qu’ils appliquent pourtant à la lettre sur les médecins qu’ils rendent inaccessibles : « Pour votre permission, je ne sais pas, ce n’est pas moi qui décide, vous verrez avec le médecin. -je peux le voir quand le médecin ? -ça, c’est pas moi qui décide ». Mais tu décides de quoi alors? Parce que pour décider de ce que j’éprouve, vous n’êtes pas en reste : « mais non vous n’êtes pas triste, vous êtes juste un peu déprimée », « mais non vous n’êtes pas en colère, vous êtes un petit peu agitée ». Nous ne sommes même plus aptes, visiblement, à nommer les émotions qui nous traversent, à éprouver nos émotions d’avant, des émotions civiles, légitimes. Non, entre quatre murs et face à un soignant nous n’éprouvons plus qu’un échantillon de «symptômes» liés à notre «pathologie», mais ça tombe à pic: un traitement est prévu pour ce genre de cas. Pour le coup de déprime : un petit cachet, pour l’agitation : les sangles, pour un délire: la chambre d’isolement… et une fois enfermé, quand on cognera sur la porte pour implorer une clope, on nous répondra « j’arrive »… qui n’est encore qu’une formule toute faite pour signifier qu’on est loin d’être exaucés. (7)
Est-il nécessaire d’expliciter ce qui se passe de commentaire : quand on ne prend même plus la peine de répondre à quelqu’un, c’est qu’il n’est plus quelqu’un. Et qu’il soit bien clair qu’il serait malvenu de justifier de telles pratiques par cet autre alibi tout aussi fallacieux du « cruel manque de moyens » de l’institution psychiatrique aujourd’hui. Ça va mieux en le disant.

Et une fois que l’on a ré-appris à vivre selon des règles strictes et non-choisies, dans l’auto-surveillance, la peur des punitions, le respect de l’autorité…Banco, on est bons pour reprendre du service. Et souvent on se taira parce qu’on ne pourra pas raconter tout ce que l’on a vécu sans être impudiques, sans avoir à admettre que oui, on n’a pas dit grand-chose, que non, on ne s’est pas rebiffés. Parce qu’on sait que le fait d’avoir fait un séjour à l’HP décrédibilise pas mal notre parole. Parce qu’on ne peut pas se permettre immédiatement le luxe de la critique. Parce que ce que l’on vient de vivre est vraisemblablement un des moments les plus marquants de notre vie, au moins socialement, mais qu’on a surtout envie de l’oublier, de le faire oublier. Du coup, on garde tout cela et on retourne cahin caha à la vie ordinaire. Et ce que l’on a appris c’est peu de choses finalement, si ce n’est que c’est souvent sans coup férir, tout simplement, presque par glissement… que l’on devient patient.

C.

Notes :
(1) A l’origine de ces questions et du texte qui en découle, l’écoute d’un documentaire audio : « Devenir patient » écoutable ici. Et le travail réalisé par quelques-uns d’entre nous pour le W-E Résister à la psychiatrie qui s’est déroulé au Mas d’Azil en septembre 2011, sous la forme d’un montage audio:« La fabrique du patient » écoutable ici. (retour au texte)
(2) Concernant le mécanisme d’actualisation du rôle de patient : « Lire attentivement la notice ». (retour au texte)
(3) Le terme d’ « individu » est préféré dans ce texte à celui de « personne » puisqu’il signifie étymologiquement « que l’on ne peut couper » et se définit aussi comme un « corps organisé vivant une existence propre, et qui ne saurait être divisé sans être détruit », une notion dont on comprendra l’importance au cours du texte et à mon sens plus défendable que l’utilisation du terme « personne », issu du latin persona qui à l’origine désigne un masque de théâtre et comprend aussi les attributs, les rôles et postures et déguisements d’un individu. (retour au texte)
(4) Sur le fonctionnement et la définition des institution totales ainsi nommées par Erving Goffman, on peut se référer à Asiles, ed. de minuit, 1968. (retour au texte)
(5) Lire « On n’oublie rien, on s’habitue, c’est tout« . (retour au texte)
(6) Sur les buts, fonctions et rôles de l’institution psychiatrique : « Éructations monomaniaques…». (retour au texte)
(7) Pour voir les soignants œuvrer à leur grande mission à coups de « c’est pour votre bien », on ferait toujours bien de revoir « Saint Anne, hôpital psychiatrique » de Ilan Klipper. Pour l’analyse de l’une des scènes les plus frappantes de l’exercice du pouvoir des soignants : « La bataille du pyjama ». (retour au texte)

À des fins politiques

Sans Remède est né d’un certain nombre de volontés harmonieuses (ou du moins concordantes) : donner à entendre la parole des psychiatrisé-e-s par-delà les murs et la solitude des parcours psychiatriques, mettre en exergue le commun entre ces histoires bien trop banales pour qu’on puisse croire qu’elles ne relèvent que de l’ordre de l’intime et du familial, et ainsi recommencer à penser la psychiatrie comme un objet politique, le lieu d’antagonismes irréconciliables, et de fait un terrain de luttes.

Les histoires dont il est question dans ce dossier ne nous semblent pas relever seulement d’un récent mouvement de « psychiatrisation de la contestation et de la révolte » lié à des évolutions législatives ou d’un « tournant sécuritaire »… Comme le développe l’article de K., le ver était bien dans le fruit dès l’origine, quand la psychiatrie se constituait en discipline autonome de la médecine générale, rendant déjà plus de comptes aux pouvoirs publics dans la gestion du cheptel humain qu’à ses usagers-cibles. La psychiatrie est bien l’un des organes de répression de « la déviance » qui sont par définition politiques. Issue d’un contexte historique et d’une organisation sociale, elle s’y est fait une place et a participé à fabriquer le monde que nous habitons.

On n’oublie rien, on s’habitue, c’est tout !

L’administration du « soin », de l’asile au secteur.

Faire un petit tour dans l’histoire de la psychiatrie, non pas pour en présenter un exposé exhaustif de tous les moments. Il s’agit ici de donner un éclairage sur les fondements de cette science qui se veut médicale mais qui est probablement plus proche du politique. Et de voir comment les psychiatres se sont faits de tout temps une place auprès des instances de répression et de gestion. Il ne sera pas ici question de l’alibi thérapeutique que convoque la psychiatrie pour justifier son rôle social et ré-écrire son histoire mais bien de ses moments constitutifs.

« Il faut donc pour ces infirmes des établissements publics (…) soumis a des règles invariables de police intérieures » (1)

Tout se joue sur fond de Révolution Française. En 1790, les lettres de cachet sont abolies. Celles-ci permettaient au Roi de faire enfermer dans des maisons de force n’importe qui sans autre forme de procès. Cette forme d’internement arbitraire disparaissant, il faut trouver de nouvelles justifications et un cadre juridique à l’enfermement des malades mentaux. Tous les détenus pour cause de démence devront voir leur situation revue par un médecin ou un juge afin qu’ils soient libérés ou internés. Cela s’inscrit dans un mouvement plus général où chaque moment de la vie civile doit revêtir un caractère légal.

Schuiten2Il faut donc agir. Il y a nécessité à trouver des médecins spécialistes de la folie qui auront légitimité à la reconnaître, la diagnostiquer et éventuellement enfermer les dits fous. Il n’est pas encore question de réinsérer le fou dans le monde social mais toujours de protéger l’ordre public, et pour cela de l’identifier comme tel et de le séparer du criminel. Il faut pour que la séparation soit possible lui attribuer le caractère de malade. Se fabriquent ainsi les conditions qui permettront la séparation définitive de la prison et de l’asile. Le saut scientifique qui attribue le caractère de malade au fou est opéré par un certain Philippe Pinel (2). Ce médecin aliéniste commence à cartographier les grands types de démence et cherche aussi des moyens de « guérison ». Il mettra en place un certain nombre de principes, qui appliqués correctement sont censés conduire le « patient » vers la rémission : l’isolement du monde extérieur ne se justifie pas seulement dans un souci de protection de la société mais a aussi une visée thérapeutique. Un autre principe est l’imposition de l’ordre asilaire sensé être le moyen du retour de la raison d’un esprit qui déraisonne. On voit ici se dessiner ce que sera l’asile : un lieu fermé, à l’écart de la ville et à l’intérieur duquel le médecin aliéniste fait régner l’ordre.

Cette place que prend le médecin aliéniste vient ainsi répondre à un nouveau type de gestion sociale et vient combler un vide juridique. Contrairement à leurs collègues chirurgiens qui dissèquent sur des tables d’opération des viscères et des humeurs, les aliénistes prennent pour terrain de jeu la déviance sociale et la morale : ils sont dans les dispensaires, les maisons de force et les tribunaux car « la folie est le produit de la société et des influences intellectuelles et morales ». (3)
On voit ici qu’il y a, dès le début, une collusion entre la psychiatrie et l’ordre judiciaire en vue d’un contrôle social plus efficace : on a bien affaire à la naissance d’une science politique.

« Ce jeune homme était trop malade pour jouir de sa liberté » (4)

Cet objet commun, une société saine, la psychiatrie le partage avec la police et la justice. Il est question par exemple dans le code pénal de 1810 (article R.30) de punir « de l’amende prévue pour les contraventions de deuxième classe (…) ceux qui auront laissé divaguer les fous ou des furieux étant sous leur garde, ou des animaux malfaisants ou féroces (…). » Petit à petit, le monde judiciaire intègre la distinction entre dément et criminel. Cette alliance du juridique et du psychiatrique est pour le moins stratégique. En effet, à la même époque, la psychiatrie peine à se faire une place au sein du grand mouvement de réforme et d’unification de la médecine générale, qui part du postulat que maux et maladies trouvent leur siège au cœur même des organes.

Les aliénistes, au contraire, défendent l’idée d’une « médecine spéciale » et singulière et ne croient pas à la possibilité d’aller chercher dans le cerveau humain « une obscure raison métaphysique aux pathologies mentales » (Pinel). C’est bien dans l’héritage social et moral qu’il faut chercher l’origine de la démence. Les classes dangereuses et leurs comportements immoraux sont en cause et le traitement sera répressif et normatif.

« L’ordre et la régularité dans tous les actes de la vie commune et privée, la répression immédiate et incessante des fautes de toute espèce, et du désordre sous toutes les formes, l’assujettissement au silence et au repos pendant certains temps déterminés, l’imposition du travail à tous les individus qui en sont capables, la communauté de repas, les récréations à heure fixe et à durée déterminée, l’interdiction des jeux qui excitent les passions et entretiennent la paresse, et, par des- sus tout, l’action du médecin imposant la soumission, l’affection et le respect par son intervention incessante dans tout ce qui touche à la vie morale des aliénés : tels sont les moyens de traitement moral qui ne peuvent être employés que dans les maisons spéciales destinées au traitement de la folie, qui donnent au traitement appliqué dans ces maisons une supériorité incontestable relativement au traitement à domicile. »
Monsieur Parchappe, inspecteur général des asiles d’aliénés et du service sanitaire des prisons et médecin en chef de l’asile des aliénés de Saint-Yon, Rapport sur son service médical, 1841, cité par Robert Castel, L’ordre psychiatrique, éditions de Minuit, 1976, p.124.

Les différents postes qu’occupait Esquirol (élève de Pinel) témoignent de cette volonté de fabriquer de la norme : il n’était pas seulement chef de file de la nouvelle école de médecine mentale et inspecteur général des facultés de médecine mais aussi président du conseil d’hygiène publique et de salubrité et membre de l’académie des sciences morales et politiques. Dans cette confusion entre hygiène mentale et l’hygiène publique, Esquirol ne fait bien sûr pas exception, on retrouve parmi ses collègues et élèves bon nombre des membres d’instances de gestion morale et politique de l’époque. Ils font ainsi infuser l’idée que la maladie mentale atteint le corps social et qu’il faut donc travailler de concert avec la police et la justice pour purifier, protéger la société des déviants qui l’habitent. On trouve dans Les annales d’hygiène publique et de médecine légale de janvier 1829 (parution d’un groupe constitué à l’initiative d’Esquirol) cette citation : « La médecine n’a pas seulement pour objet d’étudier et de guérir les maladies, elle a des rapports intimes avec l’organisation sociale ; quelquefois elle aide le législateur dans la concertation des lois, souvent elle veille, avec l’administration au maintien de la santé publique. Ainsi appliquée au besoin de la société, cette partie de nos connaissances constitue l’hygiène publique et la médecine légale. »

schuitenConcernant le volet répressif, il est accordé à la psychiatrie la mission de gérer les « cas » qui ne peuvent plus relever de l’isolement carcéral, via entre autres l’article 64 du code pénal de 1810 : « Il n’y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action, ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister. » Le droit s’actualise à mesure que les psychiatres rentrent dans les tribunaux en tant qu’experts. Aux questions que se pose la justice, le psychiatre vient apporter une réponse scientifique, non pas quant à l’exactitude des faits constituant le crime mais sur la nature du criminel. S’opère ici un glissement notable : on juge dès lors moins les faits que les hommes et c’est en fonction de leur dangerosité supposée qu’ils seront condamnés par le tribunal à tomber dans l’escarcelle des psy. Ce concept pénal nouveau donne la mesure de la peine, il n’y aura pas d’enfermement carcéral mais un isolement médical en vue d’éviter une éventuelle récidive. C’est bien un traitement pénal préventif que les experts psychiatres proposent. C’est dans les tribunaux que la psychiatrie va gagner ses galons de science reconnue et légitime. Tout est en place pour que l’État donne les moyens à la psychiatrie de s’étendre sur le territoire. La loi de 1838 fixe le cadre des internements d’office en asile et donne tout pouvoir aux médecins quant aux sorties. Dans la foulée, des médecins psychiatres fraîchement promus sont envoyés aux quatre coins de la France pour bâtir des asiles, et aménager le nouveau maillage psychiatrique. Cette diffusion permet aux psychiatres de prétendre faire de la prévention et ainsi faire en sorte que les « fous » ne se retrouvent plus devant les tribunaux mais arrivent directement à l’asile. Comme le défend en 1835 le médecin Leuret à propos du procès de Pierre Rivière : « La société a donc le droit de demander non la punition de ce malheu- reux puisque sans liberté morale il ne peut y avoir de culpabilité, mais sa séquestration par mesure administrative comme le seul moyen qui puisse la rassurer sur les actes ultérieurs de cet aliéné. » (5)

C’est bien une délégation de pouvoir qu’a réussi à conquérir la psychiatrie. Ce mandat en cohérence avec les normes judiciaires, elle l’a reçu en assurant que la réponse à la déviance qu’elle apporterait serait répressive.

« Et vous savez fort bien que des patients dont l’état s’est stabilisé pendant un certain temps peuvent devenir soudainement dangereux. » (6)

L’asile institué donc dans la seconde moitié du XIXe siècle vivra sous sa forme primitive pendant plus de cent ans, avec quelques sursauts de changements pendant et à partir de la fin de la seconde guerre mondiale. L’évolution généralisée de la psychiatrie prend corps à partir des années 1960 avec l’apparition du secteur.
Le secteur est à l’origine une entité administrative géographique de gestion des « malades mentaux », son ambition étant aussi de casser l’isolement asilaire. L’objet de ce texte n’étant pas de faire un inventaire complet de l’histoire de la psychiatrie française, il sera plus question du dispositif mis en place par le secteur que de son fond théorique.
Avec l’instauration des asiles, il y avait déjà un dispositif étendu sur le territoire mais tourné sur lui-même, c’est à dire fonctionnant en vase clos, avec très peu de porosité avec le monde extérieur. Le secteur a la volonté d’ouvrir les portes, et non pas de casser les murs. Il s’agit de fabriquer de multiples relais psychiatriques dans la ville, au plus proche des gens. Le maillage entamé par l’asile se resserre encore, à coup de centres médico-psychologiques, centres d’accueil thérapeutique à temps partiel ainsi que d’une myriade d’autres institutions se répartissant la gestion d’une population désormais sortie de l’hôpital psychiatrique mais suivie au plus près de chez elle. Si les défenseurs du secteur aiment à se féliciter de l’importante diminution du nombre de personnes internées à temps complet, il n’empêche que cette évolution aura aussi provoqué une augmentation vertigineuse du nombre de patients pris en charge, ce qui signifie un plus grand nombre de gens rattachés au dispositif de contrôle psychiatrique. (7) De fait, les raisons qui pouvaient valoir à quelqu’un de se retrouver dans le giron de la psychiatrie évoluent : auparavant c’était le caractère de dangerosité qui prévalait et qui justifiait l’internement. Dorénavant, il n’est plus question d’attendre le comportement déviant pour intervenir, mais d’isoler des groupes ou ensembles de personnes à risques, c’est-à-dire présentant une forte probabilité de déviance.

schuiten3C’est là que le concept de prévention prend vraiment son sens. Nous sommes passés d’un monde asilaire clos à une société psychiatrique ouverte sur la société où chaque « déviance » peut être traitée par une administration dédiée : une pour l’enfance, une pour le travail, une pour les ex-taulards, une pour le retour au travail, la réinsertion etc… S’il y a moins d’enfermements à vie en milieu psychiatrique, il y a désormais la constitution de parcours et de circuits fermés dans lesquels les gens sont coincés et dont ils ne peuvent plus sortir.
Ce n’est pas parce que le dispositif a changé que son objet change. Le but étant toujours de contrôler la frange déviante et potentiellement « dangereuse » de la société. Pour illustration, la dernière loi en date encadrant les enfermements en psychiatrie renforce la possibilité de se faire interner sans consentement, et étend la contrainte jusqu’au domicile puisqu’il peut désormais y avoir des mesures de soin « en ambulatoire » sous contrainte, c’est-à-dire chez soi.
La proximité avec la justice n’est pas non plus oubliée. Existe encore cette fameuse potentialité dangereuse, cette hypothétique récidive qui valait aux déments du XIX siècle d’être internés à vie sur diagnostic d’un psychiatre devant les tribunaux. Même la fameuse enquête psycho-sociale réclamée par les juges à propos d’un prévenu, où l’expertise psychiatrique vient confirmer la nature « déviante » de tel prévenu et le condamne encore plus. De manière plus directe, la loi sur la rétention de sûreté (2008) donne la possibilité à une commission composée d’un psychiatre, de membres de la pénitentiaire, d’un psychologue et de représentants de victimes de prolonger une peine accomplie sous prétexte que la personne présente « une forte probabilité de récidive » ou des « troubles de la personnalité ». Cette nouvelle loi réaffirme la force de l’expertise psychiatrique et sa prétention à faire des pronostics et à statuer sur la « dangerosité » d’une personne, c’est à dire à faire un diagnostic sur le futur.

Pour conclure, on peut dire que la psychiatrie a toujours su évoluer avec la société, et toujours pour occuper cette place répressive. Quels que soient les changements dans la manière de diagnostiquer ou expliquer les troubles mentaux, les psychiatres conservent le même rôle social. En bonne institution, la psychiatrie s’est d’abord assurée de sa propre continuité, quitte à redéfinir son objet à chaque moment de l’histoire pour conserver sa place répressive et assurer sa survie. Ainsi, le pouvoir psychiatrique se perpétue…

K.

Notes :
(1) Ph. Pinel, cité par Robert Castel, L’ordre psychiatrique, éditions de Minuit, 1976, p.95. (retour au texte)
(2) Philippe Pinel (1745-1826) : Médecin aliéniste connu pour son fameux geste. Il aurait fait libérer de leurs chaînes les « fous » de la Salpêtrière, mais fidèle à ses principes thérapeutiques, il les réenferma dans les murs de l’asile. (retour au texte)
(3) Esquirol (1772-1840) : Élève de Pinel, est à l’origine de la loi de 1838 dotant chaque département d’un asile. (retour au texte)
(4) Leuret cité in. Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère…, Folio, 1973, p.253. (retour au texte)
(5) Leuret, ibid, p.379. (retour au texte)
(6) Sarkozy, discours d’Antony, décembre 2008. (retour au texte)
(7) De 1989 à 2003, le nombre de patients pris en charge par l’institution psychiatrique a augmenté de 74%. Source : DREES (Direction recherche études évaluation et statistiques). (retour au texte)

Il n’a eu de cesse de recevoir brimade sur brimade…

Ce qui fait suite est le récit d’un couple ayant subi plusieurs hospitalisations sous contrainte. Ils nous ont envoyé cette lettre et tiennent à préciser qu’ils étaient sous l’emprise des médicaments lors de sa rédaction, ce qui explique son caractère brouillon, qui ne nous avait pourtant pas heurtés. Ils nous ont aussi fait part de leur grande « souffrance psychique , souffrance due aux traitements reçus pendant leur internement« .

Depuis leur sortie, ils sont tous deux soumis à un « programme de soins sous contrainte », et ce pour une durée d’un an, sur décision de leur psychiatre respectif. J. doit rester chez lui car les infirmiers se pointent trois fois par jour pour l’obliger à prendre ses médicaments. Il doit aussi se rendre au CMP (Centre médico- psychologique) tous les quinze jours pour se faire administrer des neuroleptiques sous forme de piqûre retard. Se rajoute à cela une visite mensuelle, elle aussi obligatoire, chez un psychiatre afin « d’ajuster » son traite- ment. Et bien entendu, si soustraction il y a à l’une de ces astreintes, c’est le retour à la case internement. De son côté, A. doit se rendre chaque mois chez un autre psychiatre et suivre son traitement.
On perçoit quelque peu ce que la nouvelle loi permet, dans son volet « soins sans consentement en ambulatoire »…

Après avoir été moult fois hospitalisés de plusieurs manières à Paris et ayant fait le choix avec mon époux de venir vivre à Soucy, l’enfer recommence avec deux mesures préfectorales d’enfermement psychiatrique d’office. Le 27 janvier 2012, la gendarmerie et la mairesse de Soucy se présentent à notre domicile pour nous séparer et nous éloigner loin l’un de l’autre, afin, j’espère qu’ils n’en sont pas conscients, de nous y faire souffrir pendant un mois et demi. Moi, A. à l’unité Henry Hey et J. au CHSY d’Auxerre. Ces mesures d’enfermement ressemblent plus à une détention dans un univers carcéral qu’à un lieu de soins, si tant est besoin de soins il y ait.
Nous en sommes arrivés là car nous avions cessé nos traitements médicamenteux, tellement heureux d’avoir pu quitter Paris pour vivre à la campagne et enfin donner un sens à notre vie commune.
À l’hôpital, les conditions de vie sont répressives et totalement judiciarisées. C’est pourquoi il est urgent d’agir, pour remettre chaque compétence à sa juste place et ne pas faire de la psychiatrie une médecine toute puissante, comme c’est le cas en ce moment. Certains peuvent penser à ce titre, que la création de l’institution du juge des libertés et de la détention est une avancée considérable. En réalité, cette nouvelle loi est bien hypocrite. Elle ne constitue en rien une avancée des droits et des libertés publiques pour le patient hospitalisé. Par exemple, pour ce qui concerne J., mon époux, lors de sa seconde HO du 8 juin 2012, il s’est vu aller devant les juges des libertés comme la loi le prévoit. Il a demandé une contre-expertise psychiatrique. Elle lui a été accordée,mais a été à sa charge. Depuis et comme au début de son hospitalisation, il n’a eu de cesse de recevoir brimade sur brimade, humiliation sur humiliation. Ceci sans raison car son comportement est irréprochable et sa saisine relève de l’application de la loi.
Pour ce qui me concerne et l’hospitalisation du 27 janvier 2012, j’ai été placée en chambre d’isolement pendant dix jours alors que mon comportement était calme, afin de rater la date de l’audience devant le juge des libertés. Cette audience m’a finalement été accordée ultérieurement.

En ce qui concerne la seconde hospitalisation de mon époux, il faut vous dire que la contre-expertise a permis à la préfecture et l’Agence régionale de santé (ARS) de justifier la prolongation de son hospitalisation d’office le mardi 10 juillet 2012 pour un mois ou plus, alors que tout le monde pensait que l’ARS et la préfecture lèveraient à cette date la mesure d’hospitalisation complète. Les conditions de vie des patients, hospitalisés ou non, dépendants de la médecine psychiatrique sont totalement carcérales et répressives.

Les atteintes à la dignité des patients sont quotidiennes et absurdes et non-fondées. Je crois qu’il serait urgent de déjudiciariser la psychiatrie ce qui n’empêcherait pas -dans certains cas si besoin était- de faire appel à la justice.
Enfin, la charte des patients (hospitalisés ou non) soignés en psychiatrie est violée dans son application chaque jour. Par exemple, dans le cas de mon époux, il se voit interdit de choisir librement son médecin. Cette situation a pour conséquence de mauvaises relations patient-médecin. Ce dernier augmentant la médicamentation de mon époux de façon scandaleuse, dangereuse car inadaptée. Il s’ensuit un rapport de force conflictuel (entre le médecin psychiatre et mon époux) qui est néfaste pour sa santé et son équilibre.
Depuis le 30 juillet (date de sortie de J. de sa seconde HO),mon époux est totalement épuisé par son traitement et souffre de fortes douleurs au dos (dues certainement au mauvais état des lits en chambre d’isolement et en chambres et à l’inactivité durant un mois et trois semaines de HO) qui ont généré un traitement supplémentaire d’anti-inflammatoires et antalgiques.

Quand tous ces abus seront-ils dénoncés et la situation des « malades psychiatriques » améliorée sérieusement ? À voir ?

A. & J.

De la radiophobie, et autres pathologies psy…

Dans la droite ligne négationniste des médecins et psychiatres français du programme SAGE, qui inventèrent le concept de « radiophobie » afin de faire passer les effets de la radioactivité sur les populations vivant autour de Tchernobyl pour une sorte de stress post-traumatique, le gouvernement indien projetait jusqu’à récemment d’employer l’arsenal psychiatrique pour briser les luttes antinucléaires locales. La tentative ayant fuité dans la presse et suscité un tollé, elle fera finalement long feu.

Retour en France où des chercheurs s’évertuent en ce moment même à faire de « l’électrosensibilité » une pathologie strictement psychosomatique. L’électrosensibilité, c’est cette sensibilité au brouillard électromagnétique produit par les antennes-relais, téléphones portables et autres ondes wifi. Mais pas lieu de s’alarmer apparemment : à en croire les pouvoirs publics, « la maladie des ondes, c’est dans la tête » comme le titre ironiquement « Le Canard enchainé ».

Et l’harton553ebdomadaire satyrique de nous décrire par le menu les résultats de la « grande étude » sur le sujet promise en 2009 par la ministre de la Santé Roselyne Bachelot. On n’y trouve pas trace d’analyses biologiques, de relevés d’IRM ou de groupe témoin ne serait-ce que pour donner une caution scientifique à l’étude. Non, non, on aura droit aux analyses éclairées d’un sociologue, d’un psychiatre et d’un journaliste pour nous assurer du caractère « mythique », voire carrément pathologique de cette nouvelle « mode ». « Pas mal d’entre nous ont peur de participer à l’étude, de peur de se retrouver en psychiatrie », dénonce un membre du collectif des électrosensibles de France. La psychiatrie, c’est politique, qu’on vous disait…

Sources : Arkadi Filine, Oublier Fukushima, Les éditions du bout de la ville, 2012 ; « Courrier International », 28/06/12 ; « Le Canard enchainé », 21/03/12

Quand l’HP assume sa place dans l’arsenal répressif

L’histoire de Ch. révèle comment le pouvoir se sert allègrement de l’enfermement psy comme d’un moyen de réclusion au même titre qu’un autre. Pas même question ici d’une quelconque fonction thérapeutique.
Ch. fut arrêtée et engeolée à plusieurs reprises et entre différents murs. Elle raconte ici, à travers ce tract et ce courrier, comment, suite à deux manifs, la police « traita son cas » à coup d’HO. Mais cela ne s’arrêtera pas là. L’administration n’aime pas les fortes têtes, les médecins encore moins…
Nous ne dénoncerons pas, comme peut le faire en d’autres occasions le Collectif des 39, « l’utilisation de la psychiatrie à des fins politiques », car loin d’être un effet pervers de l’institution, l’internement, mais aussi le traitement par l’ensemble des structures médicalisantes ne sont qu’un des pans de la gestion sociale. Actuellement, Ch. est en prison et peu de chances qu’un maton l’entende dire merci…

Salut !
portebarreauxVoici un an, je découvrais le monde de l’enfermement psy. Pour souvenir, je mets le tract-BD qui avait été sorti par le Laboratoire anar de Valence à l’époque en pièce jointe.
Le 17 janvier 2009, j’ai participé à une manif à Avignon contre la guerre en Palestine. À l’heure de la dissolution, j’ai engagé la discussion avec des manifestants, leur expliquant que si nous acceptions l’autorité et défilions entre les rangs de flics qui nous encadrent, il n’ y a rien d’étonnant à ce que des jeunes militaires israéliens se soumettent également aux ordres de leurs officiers et tuent des civils. Ce discours n’a pas plu aux organisateurs et le ton est monté. On commençait à s’empoigner quand les flics sont venus m’interpeller, soit disant pour me « sauver la vie ». Comme je ne supporte pas le contact avec les forces de l’ordre, je leur ai ordonné de me lâcher immédiatement. Logiquement, ils me plaquent au sol, me mettent les menottes dans le dos, m’emmènent au commissariat. De là, ils décident de me transférer, à plat ventre dans le fourgon, à l’hôpital.
Sur place, j’ai rencontré un premier médecin. J’ai dû insister pour qu’il m’ausculte démenottée et hors de la présence policière, lui rappelant le secret médical et le serment d’Hippocrate. Il a constaté que je n’étais pas alcoolisée et a rempli le papier adéquat. Les policiers ont alors voulu me remenotter pour me ramener au commissariat. J’ai refusé, leur expliquant que je n’étais pas en garde-à-vue et qu’ils n’avaient aucune raison de m’embarquer. Le médecin leur a dit de me tenir fermement et m’a injecté un puissant sédatif. Comme je me débattais, bien que piquée, menottée dans le dos et allongée sur le brancard, le toubib m’a envoyé une baffe. Puis pendant que je dormais, il a rédigé un certificat d’Hospitalisation d’Office où il disait que je mettais ma propre vie en danger de mort.
Plus tard dans la nuit, une autre médecin a elle aussi rédigé un certificat d’HO mensonger parlant de délires, d’hallucinations et de phobie raciste. Puis, j’ai été transférée à l’hôpital psychiatrique de Montfavet.
J’en suis sortie une semaine plus tard, le médecin de l’unité où j’étais enfermée ayant rédigé un certificat médical de levée d’HO dans lequel il dit que je n’ai aucun trouble psychiatrique et donc pas besoin d’hospitalisation.

Quand je suis sortie et que j’ai eu les certificats médicaux, j’ai essayé de joindre les médecins pour savoir pourquoi ils avaient menti. J’ai eu le premier au téléphone et il m’a dit avoir écrit ce que la police lui avait dicté. Je l’ai informé que je portais plainte contre lui pour faux en écriture et violences. Bien que j’ai insisté, je ne suis jamais arrivée à joindre la deuxième. J’ai eu un collègue à elle qui refusait de me la passer et qui m’a menacée d’un dépôt de plainte pour harcèlement téléphonique et d’une mesure d’Hospitalisation à la Demande d’un Tiers.
J’ai réussi à avoir un courrier de la directrice adjointe qui confirme que je n’ai jamais eu de tendance suicidaire, de délire, d’hallucinations ou de phobie raciste.
Le 2 avril dernier, je suis retournée à l’hôpital afin d’avoir des explications sur les menaces de ce médecin (dépôt de plainte pour harcèlement et HDT), la secrétaire de la directrice adjointe m’a proposé de voir le toubib concerné. Dès qu’il est arrivé prés de moi, il m’a saisie avec trois collègues et m’a envoyé une bonne dose de neuroleptiques en intramusculaire. Même la secrétaire présente a été « choquée par la violence du guet-apens ».
Ils m’ont gardée quinze jours à l’HP de Montfavet, constamment à l’isolement et sous injections ou traitements neuroleptiques. Je suis sortie il y dix jours, je continue à faire des cauchemars. J’ai déposé plainte contre le service des urgences de l’hôpital pour agression préméditée en réunion.
Voilà.

Ch.