Un extrait de la conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole

conjuration« -Ignatius, tu crois pas qu’tu s’rais p’tête plus heureux si t’allais prende un peu d’repos à l’hôpital de la Charité ?

-Voudrais-tu parler du service psychiatrique, par hasard ? demanda Ignatius pris de rage. Me croirais-tu fou ? Supposerais-tu que le premier imbécile de psychiatre venu serait capable ne serait-ce que d’essayer de commencer à entrevoir les mécanismes de ma psyché ?

-Tu pourrais prende un peu d’repos, chéri. Et tu pourrais écrire des choses dans tes petits cahiers.
-Ils essaieraient aussitôt de faire de moi un crétin, amateur de télévision, de voitures neuves et d’aliments surgelés ! Tu ne comprends donc pas ? La psychiatrie c’est pire que le communisme. Je ne veux pas de lavage de cerveau ! Je ne veux pas devenir un robot, un zombie !

-Mais Ignatius, tout d’même, y viennent en aide à des tas d’personnes qu’ont des ennuis.

-Crois-tu que j’ai un ennui ? beugla Ignatius. Les seuls ennuis de ces malheureux c’est de n’avoir point le goût des voitures neuves et de la laque en atomiseur. C’est pour cela qu’on les enferme ! Ils inspirent de la terreur aux autres membres de la société. Tous les asiles de ce pays, jusqu’au dernier, sont pleins de gens qui ne supportent pas la lanoline, la cellophane, le plastique, la télévision et les circonscriptions, de pauvres gens dont c’est le seul crime. »

John Kennedy Toole, La conjuration des imbéciles