Histoire institutionnelle de V

V. est née à Arras (62). 
À l’âge de deux ans, V. est hospitalisée. La situation de sa famille est signalée et le juge pour enfants décide le placement réparti chez différents membres de la famille (oncles et tantes) de V. et ses trois sœurs.
À douze ans, l’oncle chez qui elle vit la viole. La tante qui est tutrice garde le silence.
Avec une amie qui a subi le même sort, V. décide de porter plainte.
Placement de V. dans un foyer pour mineurs à Boulogne.
Avant l’audience, l’oncle se suicide. Le tribunal ajourne l’audition de la tutrice qui n’est pas innocentée. Suspension du tutorat.
Placement de V. en famille d’accueil à Neufchâtel. La femme lui ouvre le crâne avec une tasse à café.
Retour au foyer pour mineurs de Boulogne en attendant un autre placement.
Placement quelques mois plus tard à Noeux-les mines dans un autre foyer pour mineurs.
La tante de V. est à nouveau désignée tutrice par la justice.
Pour quelques mois, car le jour de ses 18 ans, elle met V. dehors.
V. revient, quelques jours plus tard, elle trouve sa tante morte.
V. décide de se tuer.
Elle est emmenée à l’hôpital, où on lui fait un lavage d’estomac.
A sa sortie, elle est placée chez sa sœur majeure, puis chez une autre tante qui lève la main sur elle.
V. la frappe au visage.
L’assistante sociale déclare la nécessité de l’enfermer.
La famille fait les papiers.
Internement à Saint-Venant, secteur pour adultes. V. a tout juste 18 ans.
Elle refuse de prendre son traitement, on la place de suite en isolement.
Un an plus tard, on propose à V. de partir dans un foyer de transition en attendant un appartement thérapeutique, à Arras.
Fugue de V.
Retour à St Venant, où elle passe de l’étage à l’isolement.
Un an encore, et on lui propose à nouveau le foyer d’Arras.
V. vient d’avoir 21 ans. Elle est à la rue, elle a mis le feu aux toilettes et jeté des pierres aux éducatrices. Elle a signé un papier qui certifie qu’elle a décidé de partir. Sa référente et son assistante sociale ne veulent plus entendre parler d’elle.

Ce déroulement d’une histoire de vie résumée aux décisions opérées par les institutions est choisi.
Pas une fois une psy, une assistante sociale, un médecin ou un éduc, n’a pensé à retracer avec V. son parcours…
On y voit bien comment les juges et autres pouvoirs médicaux font preuve d’un souci acharné de protéger les plus fragiles, avec un discernement et une imagination qui font pâlir : un ensemble de mesures de placements ,de médicaments, de punitions, d’enfermement…