On a reçu…

Me voici parachutée dans le « monde de l’horreur » en ce lundi 6 juin 2011.
Eh oui, ma tête a lâché, mon corps aussi !
J’écris ces quelques lignes pour vous faire part de mon vécu lors de mon séjour à Ville-Evrard (deux semaines longues), hôpital psychiatrique.
Après une tentative de suicide ratée, me voilà transportée dans l’univers de la vraie folie ! Aïe la chute est raide. Accompagnée et placée par mes parents, après ce geste, je me retrouve brutalement en chambre d’isolement, après une injection forcée ! Un pot et un matelas à terre sont ma compagnie. Deux jours de peine, de pleurs, de cris, de tapage….
onarecuJe finis par sortir de ce trou à rat au bout de deux jours, et me retrouve en chambre seule (ouf !!!).
On frappe ? Le psychiatre de garde arrive (ouïe quel accueil) ! Je regarde ce personnage très hautain, très sec, très humiliant à mon égard, qui s’adresse à moi sur un ton « méchant ».
L’entretien est interminable. Je ressors au bout d’une heure en pyjama, sans papier, interdite d’appels téléphoniques, en larmes. Le pyjama fut ma tenue pendant deux longues semaines. Pas de sortie dans le parc, rien si ce n’est la nourriture, mes cigarettes.
Première nuit : bruit, cris sauvages, bave, hurlements, vacarmes sont mes premiers souvenirs ! Où-suis-je ? J’appelle au secours, quelqu’un rentre dans ma chambre ! C’est affreux cet électrochoc.
Cette nuit fut un cauchemar, je me réveille abrutie, fatiguée. Je m’empresse de voir le médecin psychiatre qui me renvoie de plus belle aux oubliettes ! Mes larmes coulent, je me sens démunie, j’exige un coup de fil à mes parents et je l’obtiens. Je leur clame ma volonté, ils ne m’écoutent pas et raccrochent.
Les jours se suivent et se ressemblent tous. J’ai ce sentiment de culpabilité, de haine, de souffrance que je n’arrive pas à extirper de moi. Cet acte de faiblesse (pour ma part) m’a conduite à reprendre le dessus très rapidement. J’ai pensé à mes enfants, à ce qu’il aurait pu m’arriver (un peu tard non pour y penser ?), bref, à tout ce que l’on peut faire dehors quand on est bien.
Mon séjour que je pourrais nommer « un mal pour un bien » aura duré deux semaines.
14 jours de calvaire, pour seule compagnie des barreaux, des cris…..
J’en sors forte, avec une impression de dégoût. Je continue mon chemin de vie. Avec de l’aide j’y arrive et me suis jurée de ne plus vivre cet enfer.

Esquisse d’un voyage en psychiatrie

«J’arrive! Et en guise de frustration, éclairé par la lumière des toilettes, j’essaie de rester tolérant.»

Quelques tribulations en guise de témoignage, écrites en 2001 à l’hôpital psychiatrique de Caen. Quelques instantanés donc, lorsque mes pensées étaient trop rapides pour ma conscience, lorsqu’on les fit ralentir pour mon bien-être et par de bien mauvaises méthodes. Voici donc un léger guide absurde d’une expérience psychiatrique. Absurdité qui m’a aidé à ne pas trop sombrer, et surtout à résister pour continuer à faire des choix dans ce milieu où il n’y en a plus d’humains.

esquissevoyage«Esquirol, centre psychiatrique carré de blockhaus encastrés.
J’arrive ! deuxième étage, service Jackson. J’observe ! ce monde clos, psys et fous, alliés et résistants, marche dans un ralenti visuelle- ment explosif. Des murs aux couleurs fades. Quelques tableaux. Ce que j’en pense ? De la merde en boîte encadrée ! Ho ! Pardon ! ici culpabilité oblige…

« Où en étais-je ? Ah oui, revenons dans notre sympathique petite prison. Je vous parlais de son décor artistique. Et oui, s’il vous plaît, l’État est généreux pour ce qui traite de l’évasion spirituelle des déchets de sa société. Alors merci ! je ne le pense pas mais un grand merci encore.

« Donc à part quelques tableaux trouvés je ne sais où, je repère finalement un Kandinsky. Ce devait être un sacré farceur celui-là car je n’ai pas vu grandes traces de notre civilisation carcérale dans son abstraction de la réalité. Et en guise de frustration, je ne peux vous donner le titre de son œuvre car il n’était point prescrit au bas du tableau. Et tout ceci avec la cohérence de mon âme dérobée dans la blancheur infinie des murs de la guérison.
« Et ben couillon, ce n’est que le début de mon épopée psychiatrique et après avoir visualisé l’ambiance des couloirs, je fais ma première rencontre. Un air de zombie, il frôle mon épaule, le regard vide, les lèvres desséchées, laissant une lenteur invisible derrière lui…

« Samedi. J’y suis depuis lundi et je vous jure, j’comprends plus. Avec tous les médicaments qu’ils m’engrangent, je n’arrive pas à dormir et le pire, c’est que j’comprends plus.
Assis au coin fumeur, d’où je vous écris, éclairé (et c’est un bien grand mot) par la lumière des toilettes, je regarde par la fenêtre la nuit, du noir en quelque sorte, ou le néant comme je préfère penser. Mais ce qui m’attriste le plus, ce sont les fenêtres. On peut les ouvrir mais surprise, que dix centimètres. D’accord, c’est d’abord une question de sécurité dans cette métaphore rétrécie du monde qui nous entoure mais moi, rêveur malade, cela m’empêche de me jeter en l’air.

equisse2« Sous la couverture, en train de faire ma sieste quotidienne, on me réveille pour le goûter. Je dis que je n’ai pas faim et c’est vrai à ce moment-là. Peu de temps après, je vais pointer à l’office des infirmiers pour prendre un sachet de café car il restait de l’eau chaude sur la table. On m’engueule en me disant que le temps est écoulé, que le règlement, c’est le règlement. Face à tant de pouvoir inutile, furieux, je leur vomis : « Moi le prophète schizophrène pour tous les abrutis du système, je serai le maître d’une secte où tous me lécheront les couilles comme Annie et ses sucettes. » Et vlan ! malgré toute la splendeur que j’éprouvais pour ce coup de génie poétique, « fais attention à ton épopée » me dis-je. Elle pourrait se finir en isolement comme celle de cette pauvre fille qui frappa sur la porte blindée en gueulant une après-midi entière. Je sus par la suite qu’elle voulait juste fumer une cigarette. Et je voyais bien dans les yeux plissés des blouses blanches, derrière leurs lunettes de marbre, qu’ils jouissaient en la regardant embuer le petit hublot de la porte à sept verrous.

Et après tout ça j’essaie de rester tolérant. Pourtant, c’est moi le malade. Je vous jure, j’comprends plus ! eux, ils me diront que je ne veux pas comprendre mais bon, l’eau coule dans les rivières et les pierres au fond, donc tout est normal.
« Je suis fatigué, fatigué d’être fatigué et par-dessus tout, j’en ai assez de cette atmosphère inexacte, maladive et abrutissante. Assez des médecins avec leurs styles de prophète à la mords-moi le nœud et t’auras le paradis dans l’os.
Je n’ai plus rien à vivre ici. J’ai fait le tour des couloirs qui tournent en rond et de tout le monde aussi.
Il faut que je parte. Même si dehors, c’est pareil. Même si l’inquisition empêche aux livres de tourner la page, la page de fin, la fin de mon monde.
C’est fini. Je coupe le cordon et le lien qui nous unissent. Mais blottissez quand même dans un doux coin de votre esprit ces quelques pensées. Je m’en sentirai moins seul. Allez ! après tout, je ne suis qu’idiot.

T.

La folie

Pourquoi doit‐on enfermer la folie.
Et pourquoi que les médecins donnent des médicaments.
Mais c’est pour avoir la paix.
Pourquoi doit‐on cacher la folie.
Et pourquoi ils ne peuvent pas vivre comme tous les autres.
Car on préfère les ignorer.
Moi je trouve que ils ont le droit de vivre comme toutes les femmes et tous les hommes dans ce monde.
Car pour moi il n’y a pas de folie.
La folie ça n’existe pas.
C’est mieux de les mettre dans des hôpitaux psychiatriques que de les soigner.
Pour moi c’est les médecins qu’on doit les enfermer.

Philippe Smedts.
La Devinière, Belgique.